LA PRODIGIEUSE HISTOIRE DE L’AVORTON DE DIEU (Saint PAUL) SELON ALAIN DECAUX
Conférence destinée aux lundis culturels de l’A. Roseraie
Le titre de l’exposé que je vous propose peut vous apparaître ambigu : « LA PRODIGIEUSE HISTOIRE DE L’AVORTON DE DIEU (Saint PAUL) SELON ALAIN DECAUX » . Vous pourriez me demander de qui j’ai l’intention de vous entretenir. De Saint Paul ou de Alain Decaux ? Je vous réponds : des deux , en donnant à chacun son importance.
D’abord Alain Decaux. Qui ne connaît cet
auteur contemporain dont vous avez pu lire
un ou plusieurs ouvrages de la cinquantaine de titres qu’il a publiés.
Vous avez sans doute partagé son goût de l’Histoire à la radio ou sur le petit
écran avec : « La tribune de l’histoire », « La caméra explore
le temps » et avec « Alain Decaux raconte »
Alain Decaux raconte, oui, car c’est sa nature qui fait de lui un conteur. Il ne peut pas résister au plaisir de raconter les nombreux personnages de l’Histoire qui l’intriguent. Et, aujourd’hui, il y en a un auquel, dit-il, il a peiné depuis vingt ans pour lui consacrer un livre. Il hésitait tant le sujet lui paraissait redoutable et puis se voyant vieillir il décida de s’y attaquer. Il n’a pas à le regretter car ce livre, dès sa sortie, est un grand succès de librairie
De quel personnage s’agit-il ? En réalité
il ne paye pas de mine : Un homme de petite taille, à la tête dégarnie,
les jambes arquées, les sourcils joints, le nez aquilin. Maigre, chauve, barbu.
Ce n’est pas le portrait d’un séducteur.
Et pourtant il possédait une réelle vigueur
physique pour subir les mauvais traitements que ses adversaires lui firent
endurer, pour surmonter les agressions des intempéries dont il fut victime.
Il fut capable, lors d’un naufrage de nager 1 jour et 1 nuit avant d’être
repêché.
Malgré sa piètre apparence, en certaines
circonstances, il apparaissait, certes, comme un homme mais aussi , parfois,
comme un ange. Son regard, quand il se fixait avec insistance, semblait s’imposer
sur la personne qui en recevait l’éclat. Il semblait habité d’une force surnaturelle.
Mais qui était donc cet étrange personnage ?
Il se nommait Saul chez les Juifs et, plus tard, il se romanisa en prenant
le nom de Paulus, Paul. Oui, il est bien question de Saint Paul .
Après avoir lu l’ouvrage de Alain Decaux :
« L‘avorton de Dieu » avec en sous-titre : La vie de Saint
Paul, je me suis demandé s’il n’y avait pas de ma part une certaine présomption
d’envisager de résumer les 340 pages (grand format) de ce livre dans un exposé
qui se doit d’être restreint. (Le temps imparti pour nos interventions des
lundis a ses limites d’horaire.) Aussi il ne faut pas attendre de mon
propos un résumé de l’ouvrage mais tout simplement une mise en appétit qui
disposera l’auditeur, je l’espère, à en faire une lecture exhaustive. Seront
alors particulièrement récompensés les amateurs d’Histoire ancienne et de
sites géographiques remarquables mentionnés tout au long des grands périples
de l’auteur qui a voulu remettre ses pas dans ceux de son infatigable héros.
L’historien Decaux, qui ne cache pas les
convictions de sa foi authentique, ne cherche pas à faire partager à ses lecteurs
ses opinions religieuses. Aussi , pour ma part, je ne déroge pas aux obligations
que nous nous sommes données de ne pas faire ici
de déclarations politiques ou religieuses.
Son histoire commence par une scène assez
scandaleuse. Le jeune Saul ( je le répète , c’est son premier patronyme juif
) assiste , de son plein gré, à la lapidation du premier martyr chrétien :
Saint Etienne. Comme il n’est pas assez vigoureux pour lancer des pierres
sur le condamné, il garde les vêtements des lapidateurs, tout en les encourageant
de la voix et du geste à accomplir cette basse besogne.
Saul a vingt deux ans. C’est un étudiant qui poursuit, à Jérusalem, ses études dans un cursus universitaire sous l’autorité de son maître Gamaliel qui l’initia d’abord à toutes les subtilités de la Loi hébraïque puis qui lui apprit à manier, avec la même aisance, le grec, l’hébreu et l’araméen. Ce qui lui permettra d’apparaître auprès de ses contemporains comme un juriste de formation. Plus tard il n’hésitera pas de s’affronter aux Sophistes d’Athènes et il sera reconnu, par ses pairs, dans l’Eglise naissante, comme un de ses plus savants docteurs. Mais revenons à cette mémorable journée du premier martyr chrétien. Saul se trouve au Sanhédrin, le tribunal juif, où se déroule le procès du diacre Etienne. Le procureur reproche à l’accusé de proclamer dans Jérusalem que Moïse est un modèle que ses frères juifs ont méconnu. Etienne, devant le Sanhédrin ne se contrôle plus. Il s’exclame : « Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Ils ont même tué ceux qui annonçaient d’avance la venue du Juste, celui-là même que vous avez trahi et assassiné.. » Ce réquisitoire se prononce devant Saul de Tarse qui grince des dents de colère et qui ne peut plus contenir sa colère : « Qu’on le lapide ! » crie-t-il et l’on a assisté, tout à l’heure, à la scène du massacre qu’il a provoqué. C’est le prélude de la chasse aux chrétiens dont Saul prend la tête et qu’il organise. Il se souviendra toute sa vie de cette frénésie et de cette folie. Il ne se le pardonnera jamais.
Sa conversion s’opère dans un coup de théâtre
extraordinaire. Survient, en effet, un événement si important dans l’existence
de ce personnage que l’historien Decaux l’intitule : « L’ Evénement »
avec un E majuscule, celui que toutes les mémoires connaissent sous le nom
de « Chemin de Damas », celui qui a forgé ces expressions qui signifient
un tourneboulement dans une vie. « Connaître
son chemin de Damas ». C’est de lui qu’est partie la naissance de cette
Eglise du Christ, la religion chrétienne et qui s’est répandue dans toutes
les parties du monde.
Rappelons les circonstances de l’Evénement.
Saul continuait son impitoyable chasse aux
premiers chrétiens. Sorti de Jérusalem, il se dirigeait, sans doute au pas
d’une caravane, vers la ville de Damas. Il cheminait, non pas à cheval comme
l’ont représenté de nombreux peintres mais à pieds ( n’étant ni un officier
romain ni de la suite d’un roi) .
Ce jeune-homme de vingt six ans était capable d’accomplir de longues marches
– on le verra plus tard – et il suivait hardiment le groupe de la caravane.
Et tout à coup (je cite l’hagiographe) : « L’indicible !
Une lumière violente enveloppe Saul On le voit tituber puis s’abattre dans
la poussière du chemin. On court vers lui , on l’entoure.
Lentement, il ouvre les yeux mais ceux-ci ne rencontrent que la nuit.
Saul est aveugle. »
Magnifique raccourci de l’Evénement dans
ces quelques mots de l’historien.
Que sait-on de la réalité de cet Evénement ?
L’auteur des Epîtres s’est exprimé à ce sujet. D’abord aux Galates :
« Dieu m’a révélé son fils afin que je l’annonce parmi les païens »
et plus tard aux Corinthiens il déclare : « N’ai-je pas vu Jésus
Notre Seigneur ? »
Il faut faire remarquer que dans l’Ancien
Testament Dieu intervient souvent directement auprès de ses interlocuteurs :
Abraham, Noë, Moïse. Et les Juifs avaient conscience qu’une révélation impliquait
un rôle à remplir. C’est pour cette raison , nanti d’une telle mission par
le Christ lui-même, qu’il s’assimilera aux douze autres apôtres. C’est bien
un coup d’audace de sa part, constate l’historien, alors que la Tradition
ne reconnaissait pas de treizième apôtre.
Luc, l’évangéliste, qui est aussi l’auteur
des Actes des Apôtres donnera quelques détails de plus sur l’Evénement. Il
raconte que Saul entendit une voix disant : « Saul, Saul, pourquoi
me persécuter ?- Qui es-tu ? demande Saul et la voix de répondre :
« Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes » Et
celui qui deviendra Saint Paul insiste
sur ce point : « Il m’est apparu aussi à moi, l’avorton . » Voilà un terme important pour Alain Decaux
puisqu’il en fait le titre de son ouvrage : « L’avorton de
Dieu, une vie de saint Paul » Si Decaux donne une dimension
extrême entre Dieu et le disciple qu’il s’est choisi sur le Chemin de Damas
c’est pour mieux montrer l’héroïsme de celui qui se trouvera écartelé dans
cette dimension. Tout le long de ce parcours nous allons voir cet homme, certes
affligé, comme il dit, « d’une
écharde dans sa chair » mais aussi doué d’une énergie presque supra-humaine
qui, avec toutes ses qualités hors
du commun et tous ces défauts notoires, accomplit une tâche épique. Il fait
parfois penser au taureau de l’arène, couvert de banderilles, saigné par la
pique et qui, la robe couverte de sang, fonce avec de plus en plus d’ardeur
sur le torero pour mourir toujours dans la gloire.
Saul a été recueilli, après les traumatismes
subis dans l’ Evénement chez un juif de Damas, nommé Judas alors qu’un disciple
de Jésus, nommé Ananias, résidant dans cette ville et ancien disciple du Christ,
est appelé dans une vision pour qu’il se rende chez Judas et qu’il prenne
en charge ce Saul de Tarse. Malgré
ses réticences, ce saint homme se rend au chevet de l’ancien persécuteur des
chrétiens Celui-ci retrouve la vue, se fait baptiser et aussitôt se précipite
dans la première synagogue pour proclamer que Jésus est le fils de Dieu. (
j’exagère un peu dans un accéléré cette suite d’événements qui se sont réellement
produits). Mais représentons-nous la stupeur des auditeurs de cette synagogue
qui reconnaissent dans ce prêcheur l’ancien persécuteur des chrétiens. Il
n’a pas fini de nous surprendre. Et dès maintenant d’ailleurs.
Car, que fait-il après de telles révélations ?
Ne devrait-il pas courir à Jérusalem pour commencer son apostolat auprès
de ceux qu’il avait entraînés dans sa haine contre le Christ ? Eh bien, comme dit Alain Decaux, Saul exit , Saul disparaît, Saul fait des siennes.
Il l’avoue lui-même dans une épître aux Galates : « Loin de recourir
à aucun conseil humain ou de monter à Jérusalem auprès de ceux qui étaient
apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie. » Sans cet orgueil
grandiose, commente l’historien, Saul de Tarse ne serait pas devenu saint
Paul.
Et que fait-il ? Il marche, il marche
(il a beaucoup marché ) , cette fois, il marche droit vers le Sud, vers le
port d’Akaba. Il marche des jours et des jours et son chemin le conduit vers
Pétra.
Là, Alain Decaux se met en scène, lui, sa
femme et ses enfants pour évoquer le magnifique site où les cars de touristes
emmènent leurs clients par milliers. L’historien se régale de décrire les
roches multicolores (je cite : du jaune strié de bleu
à l’écarlate, du mauve au lie de vin) ainsi
que les centaines de temples et de tombeaux sculptés dans la montagne elle-même.
Plusieurs d’entre les intervenants de nos
lundis ont projeté leurs admirables diapos prises sur ce site.
Quand Saul arrive à Pétra, il y a du tirage
entre le tétrarque de Galilée Hérode Antipas ( celui qui a condamné Jésus)
et le roi de Pétra Aritas IV dont le galiléen a répudié la fille pour se marier
avec la sulfureuse Hérodiade. Ce n’était pas un moment bien favorable pour
évangéliser les Nabatéens mais était-ce une raison suffisante pour qu’il se
taise ? L‘historien avoue être sans réponse.
D’après Luc, Saul est revenu prêcher à Damas
mais les Juifs de cette ville, loin de croire le nouveau converti, décide
de faire périr ce renégat de leur religion, aussi Saul décide-t-il de s’enfuir
subrepticement. Il avoue : « C’est par une fenêtre, dans un panier,
qu’on me laissa glisser le long du rempart et ainsi j’échappais à l’ethnarque
d’Arétas qui me pourchassait . »
L’histoire du panier a fait flores mais, là, je quitte un moment le livre d’Alain Decaux pour évoquer un souvenir personnel. Enfant, j’habitais un village de Thiérache, au nord de l’Aisne, dont la spécialité était la fabrication des paniers (je dis : « était » car elle ne l’est plus guère).Or la fête de ce pays se célébrait le 25 janvier, jour de la Conversion de saint Paul. Et pourquoi saint Paul était choisi pour patronner ce pays ? Tout simplement parce qu’il avait pu s’enfuir de ses ennemis à l’aide d’un panier. Dans l’église paroissiale était érigée un statue saint-sulpicienne où l’apôtre tenait dans sa main un panier. Voilà un panier qui pousse assez loin son analogique symbole !
A ce passage de l’ouvrage, l’historien, par
scrupule d’honnêteté, se pose la question de l’authenticité des écrits
de saint Paul. L’histoire du panier est un prétexte de plus pour en douter.
Il faut savoir comment ces textes sont parvenus
jusqu’à nous. Au moment de l’Evénement aucun texte évangélique n’a encore
été publié. Il s’en faudra de longtemps avant que cela se fasse. A cette époque,
écrire était un métier difficile à exercer. On se servait beaucoup de la mémoire
qu’on fortifiait chez les enfants en apprenant par cœur les versets de la
Loi dans la Bible. Les apôtres ne savaient ni lire ni écrire mais ils enregistraient
tout ce que Jésus leur disait dans une mémoire préparée à un tel exercice.
Si l’existence des épîtres de saint Paul étaient attestée en 150, aucun manuscrit
de cette époque ne nous est parvenue. Le premier manuscrit des Evangiles date
de 331. Des grands texte de l’Antiquité, les premières copies que nous connaissons
ont paru 16 siècles plus tard.
Paul mourra avant d’avoir lu un seul évangile,
on trouve cependant dans une de ses épîtres un des textes qui se redit chaque
jour à la consécration : « Ceci est mon corps…Ceci est mon sang.. »
Triomphe de la mémoire qui, aussi bien que l’écrit peut traverser la
nuit des siècles et peut être pris en compte comme texte essentiel de la liturgie.
Et malgré la fidélité des mémoires il est bon pourtant de se mettre en contact avec ceux qui ont matériellement vu le Christ et cela ne peut se faire qu’en retournant à Jérusalem.
Après une longue absence de la ville de David, le voilà enfin revenu. Il y retrouvera la vigueur de la religion millénaire des Juifs et aussi la fragilité de celle fondée par Jésus Cependant les pèlerins qui s’en reviennent chez eux emportent le secret confié par un parent, par un ami :
« Le Messie est venu sur terre ».
Un lévite, nommé Barnabas, introduit Paul auprès des apôtres mais simplement la durée de quinze jours ! C’est pour cela que l’auteur intitule ce long chapitre : « 15 jours pour connaître Jésus ! »
Que va apprendre Saul pendant ce court séjour ?
En tout cas il prend de plus en plus d’assurance et il se promène ouvertement
dans les rues de Jérusalem en compagnie de Pierre et de Jacques, qui sont
les chefs de la religion du Christ. Ce qui ne manque pas de choquer les chrétiens.
Sa réputation de persécuteur lui colle à la peau comme la tunique de Nessus.
Est-ce à cause de cette suspicion, Il est
envoyé à Césarée puis à Tarse, puis à Damas mais ces ordres successifs de
quitter Jérusalem ne seraient-ils pas plutôt des envois en mission ?
Des chrétiens affichent un intérêt insolite pour la religion
de Moïse, on les nomme : « Les Craignants-Dieu » et leur influence,
à cette époque, prend une certaine importance dans le milieu des convertis
venus du Judaïsme et qui se méfient des chrétiens venus du paganisme.
D’où la question qui se pose auprès des apôtres :
« A t-on le droit d’admettre des « gentils »,c’est à dire des
païens, dans l’Eglise du Christ, sans qu’ils soient
circoncis ? D’où débat à tous les niveaux. Que faire pour remettre de
l’ordre dans tous les esprits ? Barnabas, le nouveau venu, dont on a
reconnu une certaine autorité, propose de faire intervenir Saul qui s’était
retiré à Tarse auprès de sa famille, l’aidant à la fabrication des tentes.
Et voilà Saul et Barnabé qui se mettent ensemble
et qui arrivent à Antioche, une ville alors peuplée de 500000 habitants
mais où régnaient un luxe effréné, les superstitions, le fanatisme
de l’orgie. Cependant on y lit et on admire Aristote, les écoles sont les
plus cotées du Proche
Orient . C’est dans ce climat que s’engage
un des débats les plus décisifs de l’histoire sur le christianisme. C’est
à Antioche que, pour la première fois, le nom de chrétiens fut donné aux disciples
Saul, dans cette ville, naturellement ,
prêche d’abord dans les synagogues mais, ce qui est nouveau, prêche également
ailleurs. On le montre au Panthéon, s’adressant à un auditoire romanisé. C’est
dans ces occasions qu’il déclare : « Je me complais dans les
faiblesses, les insultes, les persécutions, les angoisses pour Christ. C’est
lorsque je suis faible qu’alors je suis fort » C’est dans cette épître qu’il déclare qu’une écharde a été mise dans sa chair pour éviter
tout orgueil. « Cette écharde
dans sa chair» a fait beaucoup jaser.
Chacun y a été de sa petite hypothèse, toutes les maladies sont passées en
revue. Une des dernières demandait même s’il n’était pas question de l’homosexualité !
Plus la conjecture était croustillante mieux elle était retenue.
Vous qui m’écoutez, depuis le début, raconter une vie de saint Paul, vous devez vous étonner que jusqu’ici je ne prononce pas son nom et que je ne parle que d’un certain Saul. Laissez moi raconter comment s’opéra cette métamorphose ;
Nous sommes au printemps 45, trente deux kilomètres séparent Antioche de Seleucie où s’acheminent trois chrétiens : Barnabé, Saul et un jeune-homme nommé Marc (celui qui, plus tard, écrira un évangile) , décidés malgré les menaces de naufrage à prendre la mer. Certes, ces trois compagnons n’embarquent pas dans des bateaux uniquement réservés à des passagers mais on les accueille en surplus dans un cargo de marchandises. Une fois arrivés à destination, Saul ne va plus s’adresser à des auditeurs qui ont plus ou moins la notion d’un Dieu transcendant mais à ceux qui ne le connaissent pas. Saul brûle de leur adresser ce dont il est convaincu de devoir leur adresser depuis l’Evénement : « Le Christ est venu en ce monde pour sauver les hommes, aussi bien les Juifs que les païens ». Débarqués à Salamine, comme l’indiquent les Actes des Apôtres, ils annoncent, certes la parole de Dieu dans les synagogues. Avant de s’adresser aux païens il fallait d’abord prêcher aux Juifs. Grâce aux coreligionnaires de la Diaspora ils sont bien accueillis mais ils n’osent pas leur parler trop vite du Messie car, parfois, l’affaire tourne mal et les rabbins leur administre les coups de fouet réservés aux hérétiques.
Pour aller au cours du pays ils suivent la côte mais au fur et à mesure qu’ils progressent c’est pour voir pratiquer presque partout le culte d’Aphrodite, la déesse débauchée, la Vénus romaine . Les habitants participent à ses fêtes et à ses orgies. Comment opposer les rigeurs et les interdits d’une loi qui risque de susciter l’effroi ? Pourtant, les apôtres se rendront compte que nombreux étaient ceux qui, lassés d’un laxisme ancien, cherchaient de nouvelles règles.
Saul, pour cela, s’appuie surtout sur la Bible mais développe, en plus, le thème de la Résurrection. Le trio obtient-il des conversions ? Les Actes des apôtres, du moins, le sous-entendent.Ils arrivent à Papho où la magie avait droit de cité.
Un jour, le proconsul du lieu, nommé Sergius Paulus (retenez bien ce nom) avait invité en séance
publique les trois prédicateurs du dieu inconnu pour entamer un débat avec
eux. Barnabé expose la doctrine devant Paulus qui s’étonnait et s’intéressait
à ce soi disant Messie. Cependant , dans l’assistance, le magicien Elymas
s’énervait et demandait qu’ils veuillent bien donner les preuves de leurs
dires. Saul, alors, essaya de le contrer placidement puis son caractère violent
éclata au grand jour et demanda au ciel de le rendre aveugle sur l’heure..
Ce qui arriva au grand ébahissement du Proconsul qui,
« voyant ce qui se passait, devint croyant. » C’est,
du moins ce que raconte Luc, dans les Actes des Apôtres et dont Alain Decaux
doute quelque peu .Que faut-il croire ?
Peu importe car
il se passe après cet événement une conversion autrement intéressante c’est
que Saul abandonne son nom juif pour
prendre celui du proconsul, c’est à dire que Saul
devient Paul.
Au chapitre suivant, l’historien Decaux nous remet
dans la confidence de son propre voyage où interviennent sa femme, sa fille
cadette et une amie qui l’accompagnent. Ingénieuse façon de se comporter du
conteur qui rend ainsi son récit plus personnel et plus concret, laissant
la conduite de la voiture à sa femme, Alain Decaux a tout loisir de scruter
l’immensité sauvage du Taurus où il se représentait les deux missionnaires,
visages griffés, ahanant à escalader les pentes abruptes et glissant sur les
cailloux jusqu’au fond des ravins. Ce qui motive Paul et Barnabé dans des conditions aussi difficiles et aussi
périlleuses c’est la certitude d’agir selon un ordre qui leur venait de Dieu,
surtout Paul qui se sent toujours habité par « l’Evénement » du
chemin de Damas . Il évoque d’ailleurs ces dangers dans une épître :
« Voyages à pieds souvent ; dangers des fleuves ; dangers
de brigands ; dangers dans le désert ; fatigues et peines ;
veilles souvent ; froid et dénuement… » Ils ont dû pousser un
ouf de soulagement quand ils approchèrent enfin d’Antioche, cette ville fondée
300 ans avant J.C. et qui fut conquise par Rome en _25 . Les deux apôtres
y trouvent une ville complètement romanisée où les Juifs résidents sont en
bonne intelligence avec l’occupant. Les Craignants-Dieu ( Ces païens séduits
par le religion juive) fréquentent beaucoup les synagogues. Paul et Barnabé
y sont invités à prendre la parole. D’abord ils se conforment aux discours
traditionnels des rabbins puis, s’enhardissant, ils dénoncent l’erreur des
juifs vis à vis de Jésus et ils terminent leurs discours sur la Résurrection
qui est désormais, pour eux, le gage du pardon des péchés. Habituellement,
quand Paul dérive du discours traditionnel juif pour faire l’éloge des chrétiens,
cela apparaît souvent comme un scandale. Ici, les Craignants-Dieu acceptent
assez facilement cette façon de concevoir le prolongement de la religion juive
mais les Juifs, eux, sont souvent pris de fureur et ils s’opposent par des
injures aux paroles de Paul. Ce qu’ils reprochent surtout à l’apôtre c’est de prôner l’égalité absolue entre païens et chrétiens, ce qui revient à
supprimer l’Election d’Israël et à ne pas reconnaître dans la nation juive
le « peuple élu ».
L’affaire s’envenima, surtout à cause des femmes, en
l’occurrence de femmes riches et d’excellente situation sociale, ce qui a
un effet motivant sur l’occupant qui chasse les perturbateurs .( Remarque
intéressante vis à vis des femmes de la part de Paul, à la réputation soi
disant misogyne .On y reviendra ).
Traversant ces régions, Alain Decaux s’émerveille de
la profusion et de la munificence des routes romaines . D’après notre
historien on aurait dû décréter les voies romaines huitième merveille du monde.
C’est sur ces dalles belles et solides que nos deux voyageurs, Paul et Barnabé,
allongent désormais leurs pas et qu’ils parviennent à Iconium où, comme auparavant,
il s’emploient à endoctriner la population. Le résultat est si efficace
que les Juifs d’abord puis aussi les païens se liguent contre les intrus
et menacent de les lapider.
Alain Decaux nous raconte les difficultés qu’il rencontre
dans les villes où Paul et Barnabé se sont rendus, principalement à Lystre
où on n’y parlait ni grec, ni latin, ni hébreux mais on venait pourtant pour
les écouter, admirant l’éloquence des phrases et le ton enflammé qui les soutenait.
Un jour,un infirme de naissance les dévorait des yeux, tellement il avait
foi en Paul qui s’en aperçut. Alors l’apôtre le fixe de ses yeux ardents et
d’une voix forte ordonne : « Lève-toi droit sur tes pieds ! ».
Il obéit, il bondit, il marche.
Vous devinez l’émerveillement de la foule à un tel
miracle ! Mais le plus surprenant c’est que ces deux faiseurs de miracles
(et surtout celui au regard de feu) sont pris pour des dieux, de passage inattendu
dans cette bourgade. On les acclame, on leur fait fête, on se prosterne devant
eux. Un prêtre d’un Jupiter-hors-les-murs accourt avec des couronnes, tirant
derrière lui des taureaux pour les offrir en sacrifice. Les deux apôtres
sont d’abord stupéfaits d’une telle interprétation de leur intervention auprès
de l’infirme. Ils ne savent que faire ni que dire. Ils arrachent leurs vêtements
en signe de désapprobation. Paul, en bon stratège, n’ose pas insister sur
le vrai sens de sa mission. Pourtant des gens demandent que le but de leur
visite leur soit davantage explicité. Des femmes se convertissent, un jeune-homme :
Timothée demande à les suivre (On entendra plus tard parler de ce jeune disciple
dans les épîtres).
Les voisins d’Iconium ont vent de ce succès et les
Juifs de cette ville se précipitent à Lystre pour éclairer les naïfs :
« Si ces hurluberlus ont guéri votre infirme, leur disent-ils,
c’est pour mieux vous duper ! » Ils s’en prennent surtout
à Paul qui passe pour un faux Hermès
Paul n’a pas le temps de se rappeler le sort qu’il
a vu infliger à Etienne que les pierres volent de partout sur sa personne
et que on corps se trouve allongé à terre, inanimé sous les projectiles de
la lapidation. Ces lapidations n’ont pas qu’un sens symbolique, c’étaient
de véritables exécutions. Comment, après un tel lynchage, Paul ait pu reprendre
la route avec Barnabé ?
A croire que sa constitution n’est pas aussi faible
que le suppose ce qualificatif d’avorton qu’il se donne.
Les deux apôtres passent par Derbé, repassent par Lystre,
Iconium et Antioche de Pisidie. Avec satisfaction ils constatent que leurs
nouveaux convertis continuent à vivre en chrétiens Et ces Eglises nouvelles
sont presque exclusivement composées de païens. Belle leçon pour Paul puisque
pour eux il n’a pas été question d’imposer la circoncision !
Il y a deux ans qu’ils sont partis et ils se demandent
comment ils vont retrouver ces premières Eglises qu’ils ont fondées. Hélas,
chez elles deux camps s’affrontent, le premier exige qu’un païen, pour obtenir
le baptême, se fasse juif ; le second, qui a toute la sympathie de Paul,
se réclame de la bonté qui vient de jésus et n’exige des nouveaux convertis
ni circoncision, ni aliment casher.
De bons esprits proposent pour trancher le débat d’en
référer à l’autorité suprême : l’Eglise de Jérusalem . En s’adressant
à elle, Paul démontre la prééminence de celle-ci. Un accord se conclut :
Jacques, Céphas et Jean iraient vers les circoncis, Paul et Barnabé auraient
pour mission spéciale de s’attacher à la conversion des païens . Malheureusement,
très vite, les opinions des deux camps se radicalisent entre les partisans
de Pierre et ceux de Paul ;
L’Eglise d’alors
apparaît littéralement fractionnée.
Paul, sans doute amer de ces conflits, veut reprendre
la route et revoir les Eglises qu’il a mises en place. Cette fois ce sera
sans Barnabé, qui lui a fait faux bond dans le différent Pierre et Paul. Il
le remplacera par un nommé Silas qui se fera appeler Silvannus. Au départ
de ce second voyage, Paul passe par Tarse , il revoit Derbé puis Lystre où
il essaye d’oublier la lapidation et y retrouve avec plaisir Timothée qu’on
ne sait pourquoi a été circoncis. Alors Decaux interpelle saint Paul et lui
demande pourquoi on a imposé la circoncision à ce jeune-homme , de père
grec et de mère juive et, par ailleurs, chrétien
depuis longtemps. A-t-il fait cela pour complaire aux Juifs ? Pourquoi s’est-il renié ?
A ce passage de l’ouvrage on dirait que Alain Decaux oublie son rôle d’historien
serein pour adopter la polémique , il s’exclame : « Paul, là,
tu nous déçois ! »
C’est à cette époque que saint Paul écrit cette épître
réputée antiféministe : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner
ni de dominer l’homme. Qu’elles se tiennent donc en silence…Ce n’est pas Adam
qui fut séduit mais c’est la femme qui, séduite, tomba dans la transgression. »
C’est cet antiféminisme qui sera éternellement reproché à l’apôtre. Pourtant,
lors de son prochain voyage au delà de la mer Egée, à Philippes, il rencontrera
trois femmes à qui il confiera les plus hautes responsabilités dans ses Eglises :
Lydie, Syntyche et Evodie. Elles le serviront, l’hébergeront et, naturellement,
se convertiront. Comme l’annonce Alain Decaux, au début de son livre,
attendez-vous avec Paul de le voir en pleine contradiction
On peut situer aussi, à cette époque, sa rencontre avec Luc. Quand Luc rejoint Paul,
il le voit agir en direct et ne peut pas être meilleur historiographe
Qui était Luc , auteur d’un des quatre évangiles ? La tradition fait
de lui un médecin, c’est un écrivain né. Pour Decaux c’est un « envoyé
spécial de saint Paul » comme on l’entend maintenant . C’est un lettré
formé au grec littéraire, nourri des bons écrivains de Rome et d’Athènes.
Qu’il soit un conteur saute aux yeux. Luc, ajoute Decaux, aurait fait un excellent
romancier Ce n’est pourtant pas en romancier qu’il raconte l’incident de la rencontre de
Paul avec une « voyante » sur le territoire de Philippes.
Celle-ci s’écriait au passage de l’apôtre : « Ces hommes sont les
serviteurs du Dieu très haut ! » Un jour, excédé, Paul finit
par soupçonner que ses dons lui venaient d’un esprit mauvais. Abordant cette
voyante il ordonna à l’esprit de la laisser en paix. « A l’instant
même, écrit Luc, l’esprit sortit » . Du coup, ses maîtres
se voyant privés d’une source de revenus portèrent plainte et les magistrats
leur donnèrent raison. Les accusés sont aussitôt expulsés de Philippes mais,
auparavant, ils ont été sévèrement « flagellés », c’est à dire déchirés
par les fouets « à en dégoûter le bourreau » comme dit le
poète Horace.. Mais, en contre-partie de cette funeste séquence, va se dérouler
une intervention miraculeuse. Jetés en prison, les flagellés, au lieu de pousser
des clameurs de plainte, se mettent à chanter les louanges de Dieu. Coup de
théâtre ! Au milieu de ces chants un sourd grondement sort des fondements
de la prison. Les murs s’écroulent, les entraves se disloquent, la porte se
brise. Le geôlier, ne voyant plus ses prisonniers, tente de se donner la mort.
Saint Paul survenant, le supplie de n’en rien faire et lui dit : « Crois
au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta maison . »Le
geôlier emmène les deux apôtres chez lui, lave leurs blessures et aussitôt
demande le baptême . Les stratèges, bouleversés par le récit de ces événements
fait dire aux prisonniers de s’échapper au plus vite et au plus loin mais
Paul refuse et fait valoir son titre de citoyen romain.
Ils sont accueillis dans la maison du geôlier
et ils demeurent plusieurs jours à Philippes sans être inquiétés, recevant
même des habitants de Philippes une aide financière. Par la suite
Ils prennent la direction de Thessalonique. Quand,
par la porte du Levant, ils pénètrent dans la ville, ils constatèrent l’existence
d’un afflux continuel d’étrangers attirés par son commerce et sa richesse.
Paul constate que de nombreux Juifs y ont, depuis plus d’un siècle, fixé leur
résidence. Dès le sabbat suivant de leur arrivée saint Paul se rendit à la
synagogue et ses prédications portèrent tout de suite leur effet. Aussi, en
raison de ce succès, les Juifs de Thessalonique lui manifestèrent la même
hostilité que leurs coreligionnaires d’Antioche de Pisidie. Mais on comptait
dans la ville autant de Samaritains, de Juifs romains et de négociants juifs
venus d’Italie. A chacun Paul parlera sa langue, en exhortant les nouveaux
convertis à faire de nouveaux progrès. Paul joua une nouvelle carte en confirmant
que le retour de Jésus était imminent, ce qui émerveilla les convertis. Est-ce
une habilité de l’orateur sacré ? Nous y reviendrons tout à l’heure.
Il fallait bien s’y attendre. A cause des réussites
obtenues auprès de la population par les nouveaux venus , les Juifs décidèrent
de passer à l’action, ameutant la foule et traduisant Paul, Silas, ainsi que
Jason qui les hébergeait, devant les magistrats de la ville comme fauteurs
de désordre dans la ville. Heureusement Jason n’était pas dans le besoin et
, moyennant finances, la nuit venue, négocia leur libération pour se rendre à Bérée où ils eurent la satisfaction d’obtenir de
nombreuses conversions.
Mais voici que Paul, dans un nouveau périple, se trouve
à quelques kilomètres d’Athènes. Athènes !La ville idéale, la ville de
rêve pour tout individu du Tiers-monde de l’époque ! Athènes, certes,
a subi la plus lourde défaite de son histoire. Il n’y a plus de Grèce .
Sylla s’est emparé de sa capitale, la livrant à des massacres impitoyables
et à des pillages éhontés. Malgré cela Athènes continue de fasciner tous ceux
qui pensent. (Cette fascination continue
de s’exercer encore à notre époque) Mais quel prestige pour ce natif de Tarse,
pour ce provincial à qui , durant tout le long temps de ses études on a tant vanté les prestigieux modèles que
cette ville a compté et compte encore dans l’Art, dans la littérature, dans
les Sciences . Où les plus célèbres architectes
ont édifié les plus beaux temples aux dieux,
où les sculpteurs renommés ont érigé l’effigie des héros les plus mythiques,
bref Athènes qui faisait sur chaque habitant du monde connu une attraction
aussi forte que le font actuellement New York ou Paris ! Voici que l’envoyé
aux gentils, c’est à dire aux païens, qui par l’injonction reçue le jour de
l’ « Evénement » va se trouver au cœur même de la mission qu’il
doit accomplir !
Paul déambule dans les rues de la capitale athénienne.
Il est seul – ce qu’il déteste. Il est accablé par la surabondance des temples,
des autels, des cent reflets d’une religion que ses fidèles sont loin de vouloir
abandonner. Le jour du sabbat, il ne trouve de paix qu’à la synagogue où il
harangue les Juifs et, surtout, les Craignant-Dieu. Le sabbat achevé, il n’a
plus de ressources que d’annoncer
Jésus au hasard des rencontres. L’agora est pleine de philosophes qui enseignent
chacun sous un portique. Il se risque à les aborder et à s’entretenir avec
eux . En voyant ce petit homme barbu s’acharner à annoncer la résurrection
d’un juif
inconnu, certains Athéniens se moquent, d’autres l’entraînent
à l’ouest de l’Acropole dans une réunion de sages qui le provoquent et l’engagent
à s’expliquer. Paul, en bon tacticien, ne va pas s’adresser à ce public d’élites
de la même façon qu’aux braves gens des autres villes et des campagnes, il
va leur parler le langage des philosophes. Voilà sa parade :
« Athéniens,
je vous considère à tous égards comme des hommes presque trop religieux. Quand
je parcours vos rues, mon regard se porte en effet souvent sur vos monuments
sacrés et j’ai découvert entre autres un autel qui porte cette inscription :
« Au Dieu inconnu ». Celui que vous vénérez ainsi sans le connaître,
c’est ce que je viens,
moi, vous annoncer » Cette exorde est propre à retenir l’attention
de l’auditoire, aussi va-t-il leur déclarer : « C’est en lui
que nous avons la vie, le mouvement et l’air, comme l’ont dit certains de
vos poètes. Car nous sommes de sa race… » (Cette dernière phrase
est une citation d’un poète grec : Aratos.) « ..Alors, puisque
nous sommes de la race de Dieu nous ne devons pas penser que la divinité ressemble
à de l’or, de l’argent ou du marbre.. » et il termine par cette conclusion :
« La divinité a fixé un jour où elle doit juger le monde par l’homme
qu’elle a désigné. Comme garantie elle l’a ressuscité des morts. »
Alors, là, devant ces beaux esprits, l’allusion à une
résurrection des morts déchaîne l’hilarité. L’épicurisme et le stoïcisme refusent
un dieu personnel, distinct de l’univers.
Luc déclare dans les Actes des Apôtres : « Aux mots de :
« résurrection des morts » les uns se moquaient, les autres déclaraient :
« Parle toujours ! Nous t’écouterons là-dessus ne autre fois ! ».
C’était l’échec et un des plus cuisants qu’il ai connu.
Il n’a été ni flagellé, ni mis en prison mais on s’est moqué de sa parole,
on a blessé son amour-propre. Et l’amour-propre de Paul est plus sensible
que son dos sous les fouets e la flagellation. Jamais Paul ne reverra Athènes.
En route pour Corinthes, l’apôtre fait étape
à Cenchrées où sont installés Aquilas et Prisca, des Juifs chrétiens qui avaient
fui Rome. Ils ont ouvert un atelier de fabrication de tentes. Le hasard veut
qu’en cherchant du travail Paul a trouvé cet atelier où il se trouve doublement
à l’aise. En raison de son titre de chrétien et de son métier de tisseur de
tente il est embauché immédiatement. Ceux qui l’accueillent s’aperçoivent
qu’il souffre de plaies mal refermées qui lui restent d’une récente flagellation.
Ils se rendent comptent qu’ils ont embauché une « tornade » tant
pour le rendement de son travail que pour sa piété très démonstrative. Ils
le gardent jusqu’à sa guérison.
Il part lors pour Corinthes, ville bigarrée où ne se trouve guère de puissants ni de bonnes
familles, ni de beaux esprits. Elle était placée sous le signe de Poséïdon
et surtout d’Aphrodite, qui patronne un tourisme sexuel. La corruption des
mœurs y est notoire.
Là, Paul, qui a la soit disant réputation de misogyne,
rencontre une femme, une certaine Phobé, qui, convertie au Christ, va devenir
le bras droit de l’apôtre. Il la recommandera aux Romains comme : « notre
sœur, ministre de l’Eglise de Cenchrées.. » Il demande qu’on l’accueille
« d’une manière digne des saints. » discours et attitude
bien étonnants pour quelqu’un qui a réputation de mépriser les femmes !
Voilà qu’à cet endroit réapparaissent Silas et Timothée
qui vont permettre à Paul de se consacrer entièrement à la Parole. Il devient
lyrique dans cet épître aux Thessaloniciens où il déclare : « Nous
avons été au milieu de vous pleins de douceur, comme une mère réchauffe sur
son sein les enfants qu’elle nourrit. »
Depuis
le début de l’ouvrage, et récemment encore, il a déjà été question de l’opinion
de saint Paul sur la proximité de la fin du monde, coïncidant avec le retour de Jésus. Peut-être, dit Alain
Decaux, faut-il chercher dans cette argumentation une des principales raisons
du succès de Paul. Il faudra attendre sa propre mort pour que les chrétiens
renoncent à envisager une époque précise pour le retour de Jésus .Notre mentalité
moderne s’offusque un peu d’une telle erreur d’appréciation mais n’est-ce
pas notre excès de rationalité qui nous tient dans une aussi stricte réserve ?
Alain Decaux trouve une autre excuse : « Ne craignons pas de
les supposer tels, ces convertis, tendant l’oreille vers les moindres altérations
qui peuvent affecter le silence de la nuit et, chaque fois déçus parce que
n’a pas retenti le son des trompettes dont ils étaient sûrs que s’accompagnerait
le retour du fils de Dieu »
Comme dit un auteur sacré : « Au service du Salut, pour Dieu tout est bon, même les arguments les plus douteux »
Il est patent qu’à Corinthes il y ait entre les Juifs
et Paul une certaine rupture et celui-ci est témoin de deux courants dans
le monde juif qui ont été générateurs de grand malheurs. L’un de ces deux
courants n’accepte pas les raisonnements de Paul qui sont uniquement de l’ordre
surnaturel. Un groupe de Juifs corinthiens, imperméables aux discours de l’apôtre,
traînent Paul devant le proconsul pour avoir prêché un culte illégal de Dieu
mais le magistrat se déclare impropre à juger d’un cas aussi insolite et relaxe
l’accusé.
Après Corinthes la nouvelle étape sera Ephèse. En abordant
cette ville, l’ancien étudiant de Tarse se remémore le passage, dans cette
ville, d’Homère, d’Héraclite, de Pythagore, de Thalès, d’Hérodote. Quels agréables
effluves d’histoire ancienne se dégagent pour nous de cette ville avec un
historien comme Decaux !
Une escale à Chypre puis à Antioche, ville où se poursuit
le débat entre judéo et pagano chrétiens. L’arrivée à Ephèse d’un certain
Apollos, mal dégrossi sur la mission de jésus, comme l’affirment Priscilla
et Aquilas restés à Ephèse, oblige Paul à accomplir là-bas un troisième voyage.
Il a 46 ans .Du coup, de ce voyage il rencontre les Eglises fondées à
Lystres, Iconium et Antioche. Logés chez Priscilla et Aquilas, il participe
avec eux à la fabrication des tentes. Remarquez combien Paul fait allusion
au travail manuel pour gagner sa vie et combien il le magnifie. Il accomplit
sa mission apostolique sans faire appel au soutien de la communauté .
Dans les premiers temps des prêches de Paul, le nombre
des conversions s’accroît mais bientôt les prêtres d’Artémis et les marchands
de médailles s’alarment, ce nouveau venu ne va-t-il pas diminuer l’audience
des prêtres et le revenu des marchands ? Ils réussirent à le faire
enfermer en prison. C’est dans cette prison d’Ephèse que saint Paul va adresser
ses principales épîtres aux Eglises qu’il a fondées. C’est en prison qu’il
apprend qu’un complot des judaïsants se trame contre lui et ses disciples.
Dans l’épître aux Galates Paul dénonce cette volonté d’anéantir ses propres
Eglises ; ses ennemis font de lui un faux prophète, un faux apôtre, un
nouveau Balaam, un hérétique, un scélérat qui prélude à la destruction du
temple. On prétend même qu’il n’est pas juif et qu’il s’est fait circoncire
pour épouser la fille du Grand Prêtre ; celui-ci, inspiré par Dieu, l’a
repoussé
Et ces judaïsants surgissent de toutes parts, disant
parler au nom de Pierre. Le terme « judaïsant »
désigne les judéo-chrétiens restés fidèles à la loi hébraïque mais tentés
par le platonisme, ce qui irrite beaucoup Paul qui veut les démarquer de cette
déviance. Ces judaïsants, dans cette période ultime de la vie de saint Paul,
vont prendre de plus en plus d’importance dans l’acharnement contre l’apôtre.
D’autres chrétiens, d’une autre école que celle de Paul, mettent en doute
sa probité. Apprenant toutes ces infamies , l’accusé donne libre cours à son
indignation.
Dans une vie de saint Paul on ne peut pas passer sous
silence ni minimiser l’importance de ses épîtres auprès des nouveaux convertis.
Parmi celles-ci figure notamment le première aux Corinthiens qui donne des
cadres de conduite, entre autres, sur le rapport homme-femme et il est très
explicite dans la conduite de l’un et l’autre sexe, entrant parfois minutieusement
dans des applications pratiques . Il serait trop long d’en faire l’énumération
mais l’Eglise actuelle se charge de faire la lecture de l’une d’entre elles
à chaque office dominical. Je reviendra tout à l’heure sur un des plus beaux
extraits.
Alors que Paul devrait se reposer sur les
lauriers de ses nombreuses conversions et des nombreuses fondations d’Eglises,
c’est alors qu’une puissante cabale des Judaïsants envoyés de Jérusalem veut
faire croire que Paul avait jeté l’Eglise dans une voie qui la conduisait
aux ténèbres
C’est
aux Galates que s’en prennent les émissaires de Jacques, venant d’Antioche
et, parvenus chez les Galates, persuadent ces gens simples, faciles à convaincre,
qu’ils ne sont pas « bons chrétiens » puisque non circoncis. Et
pour appuyer leur défense il démontrent aux Galates, que Paul n’avait jamais
vu Jésus et que, dans sa jeunesse, il avait persécuté les chrétiens. L’apôtre
réagit fortement par sa lettre aux Galates. S’il n’a pas rencontré Jésus,
écrit-il, il l’a vu de ses propres yeux au Chemin de Damas.
L’apostolat
de Paul s’est toujours traduit par une éternelle marche en avant. Aujourd’hui
il revient vers Jérusalem mais il pressent qu’un jour il atteindrait Rome,
la Ville éternelle
Son
épître aux Romains s’adresse aussi bien aux judéos chrétiens, aux païens convertis
et aux judaïsants. Cette épître sera, dans les siècles à venir, l’épicentre
de la Réforme de Luther et de Calvin. Elle se divise en deux parties. La première
propose aux chrétiens le moyen d’obtenir le salut, la seconde cherche les
raisons pour lesquelles tant de Juifs contemporains de Jésus ont repoussé
ce salut tel qu’il leur était offert. C’est dans cette épître qu’est mentionné
ce qu’on a appelé : « La justification par la foi » qui substitue
la foi à la Loi comme source de salut. Autour de ce thème on ira de plus en
plus loin, jusqu’au schisme. Au XXème siècle des révolutionnaires militants
se réclameront même de cette proclamation de saint Paul. D’autres n’hésiteront
pas à le comparer à Lénine !
Mais,
en plus de la rédaction de ses épîtres, l’apôtre tient à remettre à Jérusalem
le fruit de sa collecte en faveur des Eglises les plus pauvres. Il est particulièrement
conscient des difficultés de ce projet , sachant qu’à Jérusalem les Judaïsants sont les plus puissants et qu’ils
le haïssent. Tant pis, il décide de s’y rendre et effectue ce voyage en plusieurs
étapes en s’arrêtant d’abord à Césarée. Son escorte le suit, sans trop de
hâte, chacun se trouve alourdi par les ceintures garnies d’or qui représentent
les fonds de la collecte. Il est reçu par Jacques, chef de l’Eglise de Jérusalem.
Après la chaleureuse réception de l’arrivée, il se rend compte que sa réputation
est ici détestable, non seulement parmi les chrétiens de la ville, presque
unanimement judaïsants mais parmi tous les Juifs. Ne leur a-t-il pas proclamé
de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les règles de Moïse ?
Pour éviter le pire, Jacques propose à Paul d’accomplir une justification,
ce qu’il accepte. Quand il se rend au temple pour cette « justification »
des juifs d’Asie le reconnaissent et le conspuent. Accompagné de plusieurs
compagnons de voyage, dont un grec, il fait franchir à celui-ci le parvis
où les étrangers à la religion juive y sont interdits. On se saisit de Paul,
on le roue de coups et on s’apprête à le lapider quand un tribun de la forteresse
Antonia, avec ses 600 hommes , s’interpose aux manifestants et l’enferme dans
la forteresse alors que les furieux demandent qu’il soit mis à mort.
Le
prisonnier demande au tribun l’autorisation de s’adresser à la foule de ses agresseurs. Il l’obtient et proclame qu’il est un Juif comme
eux et converti au Christ et que celui-ci l’a envoyé vers les nations païennes.
La foule furieuse réclame avec encore plus d’insistance sa mort. Le tribun
coupe court et le réintroduit dans la forteresse mais,
avec l’intention de le faire parler, le menace de lui appliquer le
fouet mais au moment où le bourreau allait s’exécuter Paul réplique :
« Avez-vous le droit de me fouetter, je suis citoyen romain ». ?
Paul ne craint pas de revendiquer ses droits et de faire valoir son titre.
Il
est alors envoyé en jugement devant le Sanhédrin mais le rusé accusé, par
ses réflexions, déchaîne dans la salle d’audience une querelle entre les Saducéens
et les Pharisiens à propos de la résurrection des morts, sujet qui oppose
les deux clans. L‘affrontement risque de provoquer de graves désordres, aussi
Paul est-il reconduit dans les cachots de la forteresse.
Les
Judaïsants, qui ne décolèrent pas, imaginent une tactique qui leur permettrait
de s’emparer du prisonnier et de le mettre à mort. Heureusement survient un neveu de
Paul, résidant à Jérusalem, et qui fait prévenir le tribun du complot des
Juifs qui se trame. Dès qu’il est prévenu, le tribun fait conduire Paul à
Césarée au procurateur de Judée. Une délégation de Juifs s’empresse de se rendre
à Césarée pour convaincre Félix, le procurateur, de la nocivité de l’apôtre
chrétien parmi le peuple mais Paul demande
que soit entendu le tribun Lysias qui l’a fait conduire ici. En attendant
la fin de ce procès il reste dans les prisons du procurateur Félix où lui
est accordée une certaine liberté de mouvement.
Entre
temps le procurateur Félix est remplacé par Porcius Festus qui, à son tour,
repend le procès. Pour déjouer la ruse des Juifs qui veulent le faire transférer
à nouveau à Jérusalem, Paul a cette pertinente réplique : « Puisque
je suis devant le tribunal de l’empereur , c’est devant lui que je veux
être jugé. » et le procurateur accepte ce transfert.
Ce transfert par mauvais bateaux et, surtout, par vents contraires ,provoquent des naufrages et c’est au cours de l’un d’eux que Paul a dû nager, comme il le dit lui-même ; « Un jour et une nuit sur l’abîme ». C’est là qu’on mesure particulièrement la vitalité de celui qui se dit un « avorton » et qui résiste à tant de lapidations juives et de flagellations romaines !
Après
avoir échappé au naufrage, le survivant reprend la mer dans des conditions
aussi défavorables que précédemment. C’est sur le pont balayé par les eaux
furieuses que Paul se dresse tout à coup, comme le signale le récit des Actes
des apôtres, et qu’il se met à hurler : « Je vous
invite à garder courage . aucun d’entre nous n’y laissera la vie. Cette
nuit un ange de Dieu m’en a fait la révélation. Il faut quant à moi que je
paraisse devant l’empereur… » Un peu plus tard, sur l’épave de ce
bateau ivre il exhorte les passagers à prendre une nourriture dont ils s’abstiennent
depuis 15 jours . Une fois rassasiés, ils jettent le blé à la mer. Décidés
à s’échouer, les pilotes lancent le bateau sur la plage où la proue s’enfonce
dans le sable alors que, sous les paquets de mer, la poupe éclate. L’ordre est donné de sauter
à l’eau et de gagner la terre. ; Les Actes confirment que « tous
se sont retrouvés à terre, sains et saufs. » Tout se passa comme l’avait prévu le songe.
Ils
ont échoué sur une île que personne, d’abord, n’a reconnu. C’est Malte
. Ce bateau furieux a donc parcouru 870 kilomètres dans sa course effrénée
depuis le départ de Crête.
Les
habitants d’un village se précipitent pour secourir les naufragés qui se trouvent
exposés à une pluie glacée. Des fagots de bois sont apportés pour allumer
un feu. Paul ramasse du bois mort comme tout le monde et –stupéfaction autour
de lui- une vipère s’enroule autour de son bras. Que faire ? Il secoue
son bras au dessus des fagots allumés
et la bête tombe dans le feu sans qu’elle l’ait mordu. Les spectateurs qui
ont crié de stupeur, crient maintenant d’admiration :
« C’est un dieu ! »
Ce
n’est pas la première qu’il passe pour tel. Souvenez-vous, lors de son passage
à Lystre où déjà les indigènes émerveillés voulaient honorer les nouveaux
venus comme des dieux .
Ayant
repris la mer, en moins de deux jours, le voyageur gagnent Pouzzoles où une
communauté chrétienne les invite à passer une semaine à leur côté .Après cet
arrêt, prisonniers et gardiens doivent se remettre en route en direction de l’Urbs (la Ville avec un V majuscule, la capitale romaine) que
Paul avait si ardemment espéré de découvrir. C’est gardé de près et enchaîné
que Paul s’avance vers Rome. Mais il a perdu beaucoup de sa vitalité :
« Oui, moi, Paul, dit-il dans l’épître à Philémon, qui suis un vieillard.. »
Il
faut parcourir 250 kilomètres, à pied naturellement, pour gagner Rome, comptant
les fameuses bornes romaines, les milliariae, ces cylindres de pierre
de deux mètres de haut et pesant au moins deux tonnes. Saint Paul en a plus
ou moins fait le compte. Plus loin, il faut traverser les fameux marais Pontins
d’où s’élèvent des myriades de moustiques. Enfin le marcheur soupire d’aise,
il voit arriver à sa rencontre des envoyé de l’Eglise de Rome et reprend confiance.
C’est
par la porte Capena que Paul de Tarse, enchaîné au milieu d’autres enchaînés,
entre à Rome. (Avant de terminer ce long récit, encore une fois, prenons note
de la magistrale façon qu’a le conteur-historien de mener cette histoire.
Remarquons combien le style est concret et comme ici-même avec ce défilé de
prisonniers, il sait jalonner son texte de « gros plans » significatifs
comme des illustrations de diapos prises sur le vif.)
Où
sont les Juifs de Rome ? Ils sont confinés dans un quartier renommé par
sa saleté, au milieu des tanneries, des pourrissoirs, des boyauderies. Prolétaires,
vêtus de loques, ils pratiquent tous les petits métiers de l’époque, la même
lèpre que nous connaissons dans les marges de nos villes modernes. Les juifs
romains étaient, en grande majorité, financièrement et culturellement pauvres.
Paul,
en raison de sa qualité de citoyen romain avait obtenu l’autorisation d’avoir
un domicile personnel pour son incarcération, avec un soldat pour la garde.
Il n’en reste pas moins chargé de chaînes, on ne les lui ôtera jamais. Grâce
à sa demi liberté il peut rencontrer la communauté juive à qui il exposa les
raisons de sa condamnation par les Romains mais les Juifs ne le croient pas
en bonne intelligence avec leurs compatriotes de jérusalem. Ils lui disent :
« Pour ta secte, nous savons bien qu’elle rencontre partout de l’opposition. »
Ces Juifs, ils voudraient tant les convaincre. Hélas ! Les uns se laissaient
persuader mais les autres, la majorité, refusaient de le croire.
Voilà
le dernier témoignage de Luc qu’Alain Decaux nous a présenté comme « l’envoyé
spécial de saint Paul ». Il nous laisse ignorants
des derniers temps de sa vie. Les documents qui lèvent timidement une partie
du voile ne nous donnent pas pleine satisfaction et nous laissent sur notre
faim. D’après eux , Paul aurait été décapité par les gens de Néron et son corps aurait été enseveli dans un lieu
que personne ne sait vraiment repérer. Qu’importe ! Il vaut mieux que
son histoire ne soit pas terminée et que chacun de ses admirateurs puisse
imaginer une suite à sa guise et à son honneur.
Que
faut-il surtout retenir de cet homme étonnant ? Seraient-ce ses
« travaux » comparables à ceux d’un Hercule chrétien ?
Seraient-ce ces conflits permanents entre la religion tronquée des Juifs traditionalistes
et la nouvelle qui veut être son couronnement et dont il se voulait l’arbitre ?
Seraient-ce ces sommes théologiques de ses nombreuses épîtres qui sont devenues
l’armature des offices des religions chrétiennes ? En serait-il, comme
l’imaginent certains, leur véritable fondateur ? Aurait-il été, du moins,
l’instigateur de plusieurs hérésies, comme on pourrait le soupçonner en raison
de son caractère original, ombrageux et contestataire ? Ne vaudrait-il
pas mieux le considérer sous l’aspect de celui, comme Patrice de Carolis titre
ses émissions télévisées, qui tient à ses profondes racines juives mais qui
su s’élever, au moyen de ses ailes, et grâce à l’illumination de l’
« Evénement », à la foi
de la religions chrétienne ?
En
ce qui me concerne je préfère que soit retenue la plus belle page des écrits
pauliniens dont la hauteur de pensée, la ferveur et le lyrisme du discours
placent, à mon sens, au sommet de toute littérature. En guise de conclusion
je voudrais le relire dans son intégrité :
«
Quand je parlerais en langue, celle des hommes et celle des anges, s’il me
manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale qui retentit.
Quand
j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute
la connaissance
Quand
j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me
manque l’amour, je ne suis rien
Quand
je distribuerais tous mes biens aux
pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour,
je n’y gagne rien.
L’amour
prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne
pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas
son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se
réjouit pas de l’injustice
Mais
il trouve sa joie dans la vérité, il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout ;
L’amour
ne passe jamais.
Les
prophéties ? Elles seront abolies
Les
langues ? Elles pendront fin
La
connaissance ? elle sera abolie
Demeurent
la foi, l’espérance et l’amour mais l’amour est le plus grand. »
Après
cela faut-il encore se questionner au sujet de celui qui vient de nous donner
une si sublime définition de l’amour ? Il me semble que sa cause soit
suffisamment entendue.
Je
vous remercie de votre attention.