En ce temps là
je méprisais les herbes. J’étais alors à la première
décade de mon âge.
J’habitais, avec ma famille, dans un village de Thiérache réputé
pour ses grasses pâtures où les fermiers engraissaient des troupeaux
de veaux avant de les envoyer aux abattoirs parisiens. L’importance de
ce trafic, augmenté par celui de la vannerie d’osier, avait fait
équiper la gare, en plus de celle des voyageurs, d’un important
bâtiment de service de marchandises dont mon père avait la gestion..
A la maison située presque au milieu du bourg, chaque midi et chaque
soir, mon père s’asseyait à la table familiale où
se retrouvaient six convives : le père, la mère, un aïeul,
mes deux soeurs, de deux à trois ans plus âgées, et moi-même,
six bouches à nourrir sur le même salaire du sous-chef de gare,
qui n’était pas pingre mais qui répétait souvent
qu’il lui était difficile de boucler son budget.
Pour y remédier il s’ingéniait à trouver des suppléments
de revenu par des activités annexes, comme le faisaient d’ailleurs
la plupart de ses collègues cheminots. Considérant le jardin de
la maison familiale trop exigu il s’en était procuré un
plus vaste sur des terrains en friche appartenant à la gare et que la
Compagnie des Chemins de fer du Nord lui avaient cédé en location.
Il avait dû le conquérir à coups de pioche sur le voisinage
inculte qui bordait les rails de garage et de manœuvres mais qui continuait
d’infester le jardin nouveau venu , de chiendent, d’armoise, d’orties,
de bardanes, de bryones, de chardons, d’oseilles sauvages, de laiterons,
de lampsanes, de liserons, de mourons, de renouées, de ronces, de séneçons,
de silènes, de vergerettes du Canada, autant de noms que je ne sus que
bien plus tard, mais qui, en ce temps là, aussi bien pour moi que pour
mon père n’étaient que indésirables « saloperies
». Il m’inculqua d’ailleurs pour toutes ces plantes une haine
viscérale en m’obligeant de les extirper pour en faire, par la
suite , un autodafé.
L'herbe
maudite
Le jardin est à la
fois une tradition et une passion pour les cheminots de tous grades. Quand ils
se rendaient visite, leurs rencontres se terminaient toujours par la visite
du jardin dont chacun avait le respect d’une chapelle privée. Le
maître des lieux était fier de faire admirer son savoir-faire par
ses légumes bien venus mais chacun des visiteurs avait , certes, une
appréciation proclamée de compliments mais, aussi, de secrètes
pensées de blâmes ou de jalousies. Mais partout, chez les uns comme
chez les autres, dans ces jardins, régnait le même ordre et la
même propreté qu’une ménagère peut prétendre
pour l’intérieur de sa demeure. La règle élémentaire
de la bonne tenue d’un jardin était l’absence d’herbes
parasites. Pour la majorité des jardiniers amateurs, la devise était
et demeure encore : « l’herbe premier ennemi ». Sa présence
est la faute majeure, celle qu’en principe on ne pardonne pas, même
aux tout nouveaux initiés. D’abord dans les allées qui doivent
apparaître aussi stériles que les ballast des voies . La chasse
aux herbes continue d’ailleurs au cœur même des plantations
où chaque légume devrait être débarrassé du
moindre brin parasite..
« Tout cheminot doit être un bon jardinier et donc un « haïsseur
d’herbe » .Voilà ce que mon père m’inculquait
et que j’approuvais d’autant plus que je n’éprouvais
que déplaisir à exécuter ce qui m’était demandé
pour le jardin.
C’est la même répulsion que je ressentais lorsque je recevais
l’ordre de désherber la cour. Celle-ci avait été
pavée, sans doute, au moyen d’un excédent de briques de
la construction de la maison et qui, sur le sol, jointoyaient très irrégulièrement.
Je devais les débarrasser des mousses, des sagines et autres espèces
qui se complaisent dans ces sortes d’interstices. Pour cela j’étais
muni d’un couteau ébréché qui devait m’aider
à fouiller au plus profond pour, si possible, extirper les racines. Toutefois
il m’était stipulé de ne pas desceller les briques de ce
dallage et de ne pas dénuder leur liant de terre. Un travail qui ne pouvait
que m’attirer des reproches en raison de la complexité des situations.
Quand, le soir, l’inspection paternelle venait constater l’état
de mon désherbage, j’essayais de lire sur le visage de mon père
sa satisfaction ou sa désapprobation, celui-ci ne laissait rien voir.
J’attendais le souper pour savoir si pour cette ingrate tâche me
serait accordée ou non ma part de déssert.
Plus tard je m’intéresserai à ces étranges végétaux
qui colonisent les pavés ou le vieux murs dans leurs interstices et je
me suis même découvert pour eux un certain attendrissement. A l’époque
de mon âge, en raison de telles circonstances, je ne pouvais avoir pour
ces végétaux que mépris et répugnance.
°
°°
Mon père trouvait
un autre supplément de revenus dans l’élevage des lapins.
Naturellement pour les nourrir, il se procurait des aliments à titre
onéreux comme les sacs de son et le grain mais il estimait que la famille
pouvait contribuer à l’acquisition de cette nourriture. C’est
ainsi qu’il avait décidé que les enfants devaient «
aller à l’herbe » pour les lapins.
Ah ! Ce n’était pas une mince corvée. A notre sortie de
l’école, ou les jeudis de congé scolaire, mes sœurs
et moi avions mission de nous rendre dans les pâtures pour remplir nos
paniers « d’herbe à lapin ». Cette expression n’avait
pas d’ambiguïté pou mon père, il n’y avait qu’une
« herbe à lapin » capable de donner une chair de bonne qualité
et même une bonne fourrure, car celle-ci se commercialisait; « A
Origny-en-Thiérache, disait-il, en ce pays de grasses pâtures,
un bon lapin doit être nourri presque exclusivement de pissenlits. »
Quand il faisait visiter son clapier, il se vantait de donner à ses bêtes
cette nourriture aristocratique.
Malheureusement, pour ma part, je ne m’en félicitais pas car, à
70 ans de distance je me souviens encore des ces corvées presque quotidiennes.
Alors qu’aux yeux de certains cette composée pousse partout et
en grande quantité, ceux-ci changeraient d’avis si on leur remettait
un grand panier d’osier pour qu’ils le remplissent , en quelques
heures, de pissenlits. Surtout si cette proposition était faite alors
qu’ils seraient des gamins de 8 à 10 ans qui, une fois aux champs,
pensent surtout à y faire des galipettes. D’autres, pour m’accabler
davantage, ajoutent que le repérage du pissenlit est d’autant plus
commode qu’il est surmonté d’une enseigne voyante et presque
lumineuse. C’est vrai, mais la consigne paternelle était justement
de dédaigner ces plantes fleuries qui n’avaient plus la saveur
ni la valeur nutritive des jeunes « dents de lion » qui sortent
à peine de leur rosette.
Je n’ai jamais eu l’œil inquisiteur du bon cueilleur et même,
adulte, je revenais bredouille d’une quête aux champignons où,
alors que, sur le même endroit et à la même heure, d’autres
en revenaient, le panier plein.
Devant ma difficulté à trouver la plante de choix j’ajoutais
subpréticement à ma provende des plantains que, je ne sais pourquoi,
je trouvais en plus grande quantité. Malheureusement, de retour à
la maison, mon père inspectait les paniers et ,rejetant mes indésirables
plantains, m’obligeait à retourner aux pâtures pour y ramener
les nobles pissenlits attendus.
Comment pouvais-je m’intéresser à ces plantes qui se refusaient
à ma quête et que je ne tenais pas tellement non plus à
rencontrer et à cause desquelles je ne recevais souvent que blâmes
et rebuffades ?
Comment pouvais-je me complaire à curer la cour de la maison des ces
misérables végétaux qui, honteusement, me semblait-il,
se recroquevillaient avec les vers de terre et les cloportes dans les briques
disjointes du pavage ?
Je me demande même si ce contact avec ces plantes mal aimées, si
ces continuelles brimades qu’elles me valurent n’ont pas conforté
ma décision de quitter ma famille, alors que je n’avais pas encore
dix ans, et de me rendre, au-delà de la frontière, dans une école
apostolique où j’ai d’ailleurs vite souffert de nostalgie.Autre
réflexion. Peut-être que pour devenir, quelques sept à huit
ans plus tard et pour la vie, un zélé admirateur et défenseur
de la flore il fallait que j’effectue un retournement total. Il valait
mieux que, d’abord je sois glacial et même haineux vis - à
- vis des plantes et non pas tiède ou indifférent , pour, plus
tard, devenir envers elles d’autant plus brûlant.
Je me suis parfois comparé, au cours de ma carrière de botaniste
-amateur, à un Saint Paul que la foi au Christ, presque malgré
lui, avait désarçonné sur le Chemin de Damas. Comme chez
lui, cette « conversion » sera subite et totale et ,comme lui, j’ai
parcouru des régions pour y créer, non, certes, des églises,
mais , ce qui leur correspond assez bien, des « commissions flore »,
destinées à ouvrir les yeux et le cœur des apiculteurs, sur
l’intérêt primordial de la flore dans l’apiculture.
Par la suite j’ai voulu que mon zèle s’adressât aussi
au Grand Public.
Dans cette rétrospective je rappellerai la naissance de cet amour des
plantes par « l’illumination » que me communiqua mon maître
et condisciple Henry de Julliot puis mes premières professions de foi
avec « la Jeune Morte » et « Les Enfants de Lumière
» puis mes rencontres avec mes premiers guides, mon apostolat dans les
différentes revues comme spécialiste de la flore apicole, mes
excursions, seul ou accompagné, pour herboriser, la publication de «
Plantes à histoires » et « Secrets des plantes » où
j’essaie de rendre les plantes encore plus séductrices, la mise
en valeur de mon précieux compagnon dans ce parcours, Gérard Briane
et, enfin, récompense inattendue, la création, au coeur de Toulouse,
d’un jardin-à-thème qui transforme en réalités
concrètes tout ce qui, jusqu’ici, n’était que impalpables
images et que littérature.
L’ILLUMINATION
Pendant mes
premières années d’exil dans l’Ecole apostolique
j’ai dû vivre dans une certaine atonie et mes résultats
scolaires étaient médiocres, lorsque , à mon passage
en quatrième, je rencontrai un tout jeune professeur, Henry de Julliot,
qui me transforma.. C’est à son contact que se développa
mon goût des lettres, de la musique, des arts, de tout ce qui, en
moi, vivait recroquevillé comme fœtus avant de naître.
Henry de Juliot
L’habitude, en cette école, était d’adresser un
compliment au professeur principal à l’occasion de sa fête.
Comme mes condisciples m’en avaient confié la tâche,
je me souviens avoir déclaré, tout de go, dès le début
de mon speech, et au dam de nos professeurs précédents, cette
interjection de Boileau : « Enfin, Malherbe vint ! » Mon maître,qui
était d’une précocité intellectuelle exceptionnelle
n’avait que deux ou trois ans de plus que l’âge de ses
élèves. Les circonstances firent que, 3 ou 4 ans plus tard,
nous nous retrouvions comme condisciples en même année d’études
scolastiques. C’est alors que pendant les vacances d’été,
nous logions dans un ancien château de l’Oise où les
pères du Sacré Cœur nous faisaient passer des vacances
champêtres.
Pendant des promenades à travers bois et champs avec mon ami et mentor
j'appris à déceler certaines plantes, peut-être parfois
familières, qui n’étaient pourtant pas moins pour moi
des inconnues, en particulier celles que mon père m’avait appris
à mépriser dans le désherbage de son jardin et de la
cour de la maison familiale. Mon guide m’apprenait leur nom botanique
dont il m’expliquait les racines grecques ou latines et m’énumérait
les noms populaires. Ce qui me surprenait surtout c’est que, souvent
il me parlait d’elles comme de vieilles connaissances qui lui auraient
révélé leurs secrets et leurs mystères. Comme
je m’en étonnais il m’apprit que c’était
sa grand-mère qui, années après années, lui
en avait fait les révélations lors des fréquentes promenades
qu’il faisait avec elle dans la campagne picarde de son pays natal.
Alors que celui qui fut mon professeur m’avait initié à
tant d’arcanes des lettres et des arts je ne m’attendais pas
à que celui qui fut ensuite mon condisciple pût m’entraîner
avec lui dans ce monde des plantes où la plupart de mes collègues
et même, sans doute, de mes maîtres étaient ignorants
de leur existence et que les jardiniers-cheminots de mon village confondaient
et rejetaient dans une même exécration. Je devinais , qu’en
approfondissant davantage ces connaissances, j’allais découvrir
de nouveaux trésors.
Plus tard, à vrai dire, pendant mes « humanités »
, Jean-Jacques Rousseau m’avait prédisposé à
« herboriser ». Sa façon lyrique de décrire cette
activité m’incitait à croire qu’elle était
étroitement liée à la poésie . Par contre je
n’ai jamais eu d’attirance particulière pour ses théories
philosophiques resurgies , hélas, à nouveau, depuis Mai 1968.
En réalité je ne connaissais guère de lui que ces «
Rêveries d’un promeneur solitaire ».
Or, ces dernières années, j’avais acquis un de ses ouvrages
assez inconnu, réédité en 1982, intitulé : «
Le botaniste sans maître ».Georges Haudricourt, membre du laboratoire
d’ethnobotanique du Muséum d’histoire naturelle écrit
ceci : « Les Lettres élémentaires du botaniste sans
maître sont bien ce « manuel pour ignorants » dont Jean-Jacques
Rousseau rêva toute sa vie afin de communiquer le réel plaisir
qu’il éprouva dans ses jours les plus sombres à étudier
les plantes et à communiquer avec la nature. Invitant botanistes
en herbe et savants à déserter les salles de cours et les
jardins botaniques, Rousseau suggère que la meilleure manière
d’apprendre seul la botanique est de commencer par regarder dans les
jardins, les forêts et les prés les plantes les plus communes
comme le lis, le pois, l’ortie blanche, le persil, le trèfle
ou la pâquerette.
Véritable outil pédagogique, ces 8 lettres destinées,
il ne faut pas l’oublier, à faire l’éducation
botanique de Marion, une enfant de quatre ans, sont, sans aucun doute, le
moins ennuyeux et le plus anti-manuel de botanique qu’on puisse imaginer.
» Ce n’est malheureusement pas mon avis et j’incline
à affirmer le contraire . Dans « Le botaniste sans maître
» j’ai trouvé un écrivain plutôt scolaire,
voire même un peu pédant. Je doute fort que sa correspondante,
la « chère cousine », et la petite Marion aient conçu,
à la lecture de ces lettres, une passion pour la botanique. C’est
une façon de faire tout à fait opposée à celle
que je conçois.
C’est encore une autre contradiction dans le comportement de ce philosophe
dont il est d’ailleurs coutumier. Il n’en reste pas moins que
mon premier contact avec lui fût un choc émotionnel en faveur
de l’étude des plantes sauvages et je lui en suis toujours
reconnaissant.
**
LES PREMIERS GUIDES
Par le reflux, en débandade,
de l’armée française en mai 1940 et, aussi, poussé
par mon désir de rejoindre celle qui, en cas d’évacuation,
m’avait donné rendez-vous chez une tante de Mont de Marsan , j’échouais,
en épave, sur le sable d’une région des Landes, parmi les
militaires abandonnés de leurs chefs et qu’avait désorientés
cette déroute.
J’eus alors l’impression non seulement d’avoir parcouru plus
d’un millier de kilomètres à pieds, à bicyclette
et même en auto militaire allemande du nord au sud de la France mais surtout
d’avoir reculé dans le temps d’une cinquantaine d’années.
Je découvrais dans ce village où j’avais échoué
un pays où la vie piétinait et où le « progrès
» avait oublié d’y apporter ses transformations. Les habitants
attelaient encore, comme autrefois, les vaches à leurs chariots et les
fermières se rendaient au marché de la ville voisine avec le poulet
à vendre, juché dans une panier au sommet de leur coiffure.
C’était un pays de silence, entouré de balsamiques bois
de pins où l’atmosphère est posée sur lui comme une
cloche de cristal, sans bruits importuns, souvent sans le moindre souffle de
l’air.
Démobilisé, je fis vite la connaissance d’un jeune apiculteur
du lieu. C’était la première fois que je découvrais
le monde des abeilles que je ne connaissais que par le livre de Maurice Maeterlinck
et dont je rêvais d’approcher les mystères. Il m’initia
à l’art de dompter ces redoutables insectes et le moyen de les
tenir à sa merci. Je me souviens de la première fois où,
sur les conseils de mon jeune guide, j’osais sortir de la ruche un cadre
tout frémissant d’être dérangé et tout bruissant
de colère que je soumettais sous la caresse de l’enfumoir comme
le torero au moyen de sa muleta. C’est une des plus belles satisfactions
que de se voir ainsi dominateur de sa propre peur.
Avec les abeilles je me rapprochais d’autant plus des plantes puisque
les unes et les autres sont indissociablement liées. C’est alors
que je fis connaissance des rudiments de la flore mellifère, dont je
devins plus tard un spécialiste. Et le premier ouvrage qui me fut offert
par mon jeune ami apiculteur est : « la Flore mellifère de E. Alphandéry
», ouvrage publié en 1935 et qui était une des rares publications
faites sur ce sujet à cette époque; je la consulte encore éventuellement.
C’est avec ce jeune apiculteur landais que je vérifiai l’étroite
relation de l’abeille et de la fleur et que j’en compris l’importance,
non seulement pour la récolte du miel mais aussi pour la pollinisation
des plantes sauvages et horticoles et pour le bon ordre écologique au
plan de l’univers.
De cet apiculteur landais je m’en fis une image si idyllique que j’imaginai,
pour l’avenir, de me consacrer totalement à l’apiculture.
. Mais, à cette époque charnière de ce siècle tourmenté
d’une nouvelle gestation, les gens comme les événements
furent emportés dans un tourbillonnement de situations nouvelles et différentes.
Alors que de 1950 à 1976, date de ma retraite, je n’ai jamais changé
de professions, de 1940 à 1950 j’ai connu plus d’une dizaine
d’emplois.
Si ma dernière situation était stable elle m’obligeait,
cependant, à une constante mobilité, devant assurer mon travail,
alternativement, dans l’Aude, dans les Pyrénées orientales
et dans un arrondissement de l’Hérault. Grâce à une
rotation de trois semaines pour un même lieu je m’étais lié
d’amitié avec deux personnes de ces différents sites que
je retrouvais régulièrement.
"Plantes sauvages"
de Fernand Lequenne
D’abord avec un écrivain, président du tribunal de Béziers,
Fernand Lequenne, et dont le violon d’Ingres était la publication
d’ouvrages les plus divers. Sa large culture et sa puissance de travail
lui ont permis d’explorer des sujets sur la Justice, sur l’ancien
peuple des Galates, sur la médecine, sur la vie d’Olivier de Serre
et sur bien d’autres dont je n’ai pas retenu les titres mais pour
moi il est surtout l’auteur de : « Plantes sauvages ». Cet
ouvrage m’a donné le ton de ce que, à mon tour, je publierai
plus tard sur les plantes. A ce titre je peux considérer « Plantes
sauvages » comme un livre-maître : «........ Aujourd’hui, je veux parler seulement du chêne-vert
et du buis.
Le chêne-vert, Quercus ilex,traduisez chêne-yeuse, chêne-houx,
chêne à feuille de houx, le chêne des lieux rocheux, le chêne
garriga du patois; l’âme de la garrigue, l’âme du maquis.
Vert, toujours vert comme le buis, même par les grands froids. Ici de
petite taille, mais vaillant et porte-gland comme le Quercus robur, le grand
rouvre, le robuste, son puissant parent. Et qui sait, peut-être plus solide
en fin de compte, comme ces hommes un peu rabougris de la montagne, courts sur
pattes, qu’aucune intempérie, qu’aucun travail ne rebute.
Plus savamment enraciné, offrant moins de prise au vent. Ses feuilles
tenaces, luisantes, métalliques, comme celles du houx, mais plus souples,
crénelées, ondés mais sans piquants; et bien moins sombres,
d’un vert presque aussi richement argenté que les feuilles d’olives
Je songe à cette Côte d’Azur, sa patrie. Mais à Saint
Georges, l’hiver se recouvrira de neige. Tout à coup sur ces pentes,
si loin de Provence, le maquis, le miracle de ces plantes vives qui, d’un
mètre de neige en plein gel se déploient toutes feuilles dehors.
On raconte qu’aux premiers temps du monde une druidesse embrassait avec
une passion si violente les chênes-verts, qu’ils en gardèrent
sa chaleur : Depuis on remarque que la neige fond toujours plus vite à
leur pied. Resterait à expliquer par quelles aventures leur graine (bien
lourde) a pu escalader trente lieues de causse glacial, monter de la Côte
jusqu’à nous?
Le Buis Pour l’aimer il faut se rappeler comme il est humble presque partout
en Europe. Bois, bouiss en provençal, le buisson devenu arbre mais aussi
le bois par excellence : plus lourd que l’eau; si dur qu’il se tourne
comme fer et sert aux graveurs.
Je vois contre mes yeux les feuilles presque rondes, au sombre vernis ; certaines
déjà creusées en cuiller comme pour retenir quelques gouttes
des averses; elles se multiplieront avec la chaleur..Son odeur d’église
- d’église très vieille -
En beaucoup d’endroits on l’appelle de ce cri de gloire qui monte
vers le ciel le jour des Rameaux, hosanna, ou même gloria; ou encore bois
bénit, ou pâques, pâques fleuries, parce qu’il fleurit
à Pâques justement. Coupé, bénit, mis à la
croix, il sèche bien plus lentement qu’un autre bois. Aussi d’un
malade ou d’un enfant chétif quand ils hésitent entre la
vie et la mort :
ils sont comme le buis à la croix.Il garde le vivant et le mort, et fiché
aux endroits qu’il faut, les champs, les étables, les ruches, il
les protège des maléfices et du tonnerre. Dans le jardin s’il
y prospère c’est présage de bonheur et ici, en Languedoc,
tous les jardiniers savent que cet ami des morts suffit à fumer le champ
pour trois années, la première avec les feuilles, la deuxième
avec l’écorce, la troisième avec le bois - quelle vertu
décidément dans ce « bois » !
Il faut s’aventurer au maquis vers Pâques quand le buis est en amours.
On voit le buisson sévère se parer, logés dans l’aisselle
des feuilles , de minuscules bouquets de bel or pâle. Du haut en bas de
l’arbre coule une débauche de semence, couleur de soufre; car des
bouquets, les uns sont des fleurs mâles, les autres de fleurs femelles.
On peut rester longtemps sous le couvert à regarder l’effort passionné
des mâles, et l’humide plaisir des femelles qui reçoivent
au passage pendant des jours la poudre féconde. Un parfum puissant de
miel et d’encens flotte sur tout le maquis : cent mille ruches ouvertes
! Et cependant, je le sais, ce n’est pas à la fleur que touchent
les abeilles : elles dansent seulement de joie autour d’elle; elles célèbrent
à l’avance les délices qu’elles se promettent avec
le fruit, le fruit magique. Pénétrer dans un maquis de buis en
fleurs, c’est faire comme les abeilles, c’est perdre le contrôle
de soi..
Le fruit (oulo) montre la plus étrange petite chose que je connaisse
; exactement l’oule provençale, le pot à trois pieds. Voyez,
oh ! cette merveille, ils y sont bien les trois pieds, et sculptés si
gentiment ! Ils permettent de glisser juste ce qu’il faut de braise pour
les longs, longs rebouillements. L’oule c’est la seule marmite où
les fées peuvent réussir leurs philtres et les ménagères
leurs bouillons et confitures.
Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire et que personne n’a sans
doute remarqué dans le fruit du buis, c’est sa dernière
métamorphose. Pendant l’automne, le chaudron s’ouvre en trois
le long des pieds et donne aussitôt trois hiboux, oui, trois hiboux, avec
chacun les deux oreilles et le bec crochu, et les deux yeux, très noirs,
inclinés et fendus comme il faut; et ce visage attentif et cette attitude
bien reposée, bien assise sur la branche, ce calme mystérieux
propre à l’oiseau de la sagesse et de la nuit. Les yeux perçants
sont simplement les graines du buis.
Portrait par Michel Baracetti, de
Jean Poudou
L’autre connaissance que je retrouvais aussi régulièrement
habite, au coeur des Corbières, à Lagrasse, la famille Poudou
dont le père mériterait qu’on raconte sa prodigieuse vie
de jeune vigneron que la crise viticole de 1907 obligea de se rendre à
Paris pour ne pas mourir de faim au pays. Sa prodigieuse faculté d’invention
le fit collaborateur des premiers inventeurs du téléphone et assistant
de la grande Marie Curie pour les équipements de voiturette-hôpital
sur le front de la guerre 14/18. Revenu en son pays d’origine, il devient
constructeur des premiers postes radio de sa région.
Son fils, qui avait les mêmes dons, aurait pu lui succéder mais
il préféra rester un enfant de la nature et décida de se
consacrer à l’apiculture.
Quand nous nous rencontrions c’était surtout pour découvrir
la flore mellifère de son village ou de son canton.
Derrière l’ancien moulin qu’est sa demeure se trouve un lieu-dit
: La Mougère ( nom occitan du ciste de Montpellier) qui se trouve être
un site particulier où il emmène volontiers ceux qui désirent
herboriser en sa compagnie:
. « ..............Pour les quelques Toulousains qui, cette fois, s’étaient
invités c’était d’abord la découverte de la
région. Tout préparait ces néophytes à recevoir
ce coup au coeur qu’est une première entrée dans cet Eden.
La légèreté de l’air matinal et la luminosité
d’un ciel frotté de Cers, ce vent revigorant qui s’emploie
à faire luire l’azur, ,favorisaient l’état de grâce.
En effet, les voyageurs du car, dès qu’apparurent, après
Carcassonne, les premières collines des Corbières, crurent entrer
dans une des dernières réserves du bonheur méditerranéen.
L’actuelle civilisation production-consommation n’a pas mordu sur
ces territoires, ni sur ces rares habitants qui semblent encore à l’abri
de l’épidémie qui nous a tous plus ou moins frappés.
Alors que sur la nouvelle autoroute Carcassonne-Perpignan les voitures roulent,
surtout dans les périodes turbulentes des congés, en file continue,
ici règne calme et silence.
Le car s’ébrouait à l’aise sur la route libre et découvrait
une surprise de chemins tortueux. Un virage et apparaissait une chaîne
de collines à blancheur d’os ou, ailleurs, une muraille de rubis
veinée d’améthiste ou d’émeraude. Dix fois,
cent fois, c’était la surprise renouvelée, c’était
toujours l’impression qu’on avançait dans un pays demeuré
en fusion, qui était en train de se construire, qu’on allait y
surprendre le Créateur. Et, en même temps, ce qui peut semblait
paradoxal, les Corbières gardent cet aspect historique des champs de
bataille, géologique des volcans mal éteints, mythique d’une
terre de légendes. Une terre qui vit sur un passé considérable
et qui est pourtant encore aux mutations des grandes ères.
Mais ce qui surprend un amoureux de la flore - et c’était devenu
le cas des apiculteurs toulousains qui venaient de pénétrer dans
ce lieu paradisiaque - c’était la découverte dans ce pays
aride, d’une végétation aussi apparente et aussi diversifiée.
C’est ainsi que dans les rangs des vignobles, où les herbicides
n’avaient presque nulle part accompli leur propreté de cimetière,
des touffes de roquette (la Diplotaxis erucoides) et de ptérothèque
(Pterotheca nemausesnsis ) tendaient au passage, les unes, leurs bouquets de
fleurs blanches et les autres ceux de leurs fleurs jaunes. Sur le bord des routes
et sur le flanc des collines, le thym étalait de larges pans de sa tapisserie
violette. L’oeil aigu des voyageurs dénonçait l’apparition
d’un rucher embusqué dans une garrigue ou , exposé comme
un reposoir, trônant devant une brassée d’asphodèles
qui brûlaient comme des cierges.
L’enchantement n’en était qu’à ses débuts.
Après une vingtaine d e kilomètres, qui n’étaient
là que pour jouer les préludes, le car s’arrêta devant
une bâtisse isolée, cachée dans un fouillis de verdure et
enlacée dans les bras de deux rivières : l’Orbieu et l’Alsou.
C’est la demeure du maître-abelhaire Jean Poudou. Cet homme à
la taille méditerranéenne et à la tête mi-chauve
mi-chevelue des troubadours et à l’accent ensoleillé, accueillit
ses collègues toulousains avec cette chaleur hospitalière qui
est de tradition au pays. Il leur ouvrit sa maison aussi vénérable
et aussi ancienne que le souvenir de notre ancêtre Charlemagne qui, paraît-il,
a vu l’édification de ce moulin. Chacun, d’ailleurs, a pu
admirer la meule à grains, l’oliverie et même la petite centrale
électrique, tous ces appareils animés par le bief qui ronronne,
depuis presque sept siècles, entre les fondations de cette bâtisse.
De là , sous la direction de notre abelhaire qui, par sa passion pour
la flore et aussi par nécessité, a acquis une connaissance botanique,
le petit groupe partit en direction d’un rucher en garrigue, tout en herborisant
le long du chemin.
Peut-être longez-vous en vain le bord des routes de votre région
en maudissant ceux qui ont fait disparaître la plupart des fleurs sauvages
anciennement fréquentes ? Peut-être vous croyez-vous, en herborisant,
aussi anachroniques qu’un chercheur d’or ? Eh bien vous auriez été
consolés si vous aviez suivi ces promeneurs emmenés par Jean Poudou.
Tous les cinq pas, il fallait s’arrêter devant des découvertes.
Un botaniste carcassonnais a déclaré qu’ici la flore a ,
comme nulle part ailleurs, une telle densité : « Là où
il y a 3 ou 4 espèces au maximum en pays de prairie, nous trouvons 10
à 20 fois d’espèces en Corbières ».Naturellement
il fallait d’abord saluer le romarin, grand seigneur du pays : «
Cette année, fit remarquer notre guide, le romarin a mal fleuri, il ne
s’est pas refait à cause de la sécheresse de l’été
et de l’automne suivants. La fleur naît sur les pousses mises en
juin-juillet de l’année précédente. Sur le littoral,
le romarin donne en automne une floraison assez abondante, parfois une hausse
de miel, mais cette provende est inconnue à l’intérieur
des terres.
En ce début de mai, le romarin finissait sa floraison; toutefois, il
nous apparut encore, parmi la végétation, tout pétillant
de ses innombrables petits yeux bleus.
Comme le long du parcours en car, se retrouvait sous nos pas le thym (Thymus
vulgaris), dont les fleurs étaient plus ou moins développées
si les touffes avaient été précédemment coupées
ou non . En grimpant sur ce chemin dit « de la Mougère »
bordé sur un côté de pierres sèches ou de rochers,
croissaient dans les interstices l’odorant et buissonnant pistachier lentisque
ou l’érigé térébinthe dont le feuillage s’empourpre
en automne, et aussi l’amélanchier dont les fleurs blanches comme
papier , à défaut d’autres mellifères, sont, comme
les précédentes, butinées avec profit, comme aussi la sauge
fausse-verveine que nous foulions sur les bas-côtés.
Le doigt de notre herborisateur nous faisait découvrir un hélianthème,
une plante basse comme un fraisier, tandis que chacun des promeneurs faisait
sa propre trouvaille :
-Et cet arbuste qui étale de si jolies collerettes roses ?
- C’est le ciste cotonneux (Cistus albidus) , lui était-il répondu.
Mais regardez à son pied cette espèce de petit artichaut rouge
pas plus gros qu’une noix, le Cytinus hypocistis, c’est un parasite
sans chlorophylle. Respectez- le, ses fleurs jaunes sont visitées par
nos abeilles;
Mais puisque nous en sommes aux cistes, signalons ici la présence du
ciste de Montpellier ( Cistus monspeliensis ) , en languedocien : la mouge qui
a donné son nom à ce lieudit.
Quand le chemin prit de la hauteur, se découvrirent, en contre-bas, les
larges taches jaunes d’une colonie de genêts-épineux , dits
scorpions ( Genista scorpius ), qu’il ne faut pas confondre avec l’Ulex
parviflorus. Ailleurs, tout aussi jaunes et aussi peu mellifères, des
faux-baguenaudiers (Coronilla emerus ) .
Bien que ce ne fût pas encore l’époque de floraison se reconnaissait
facilement l’arbousier, dont il faudra attendre les fleurs et les «
fraises » en octobre ou novembre. A leurs pieds, les touffes de lavande-aspic
préparaient à lancer, pour l’été, leurs hampes
parfumées, s’harmonisant avec cette autre labiée, le Calamenta
nepeta, qui fleurit en août.
Il ne faudrait pas oublier, une excellente mellifère bien typique de
la garrigue, le Dorycnium suffruticosum, que les provençaux appellent
la badasse. Il est vrai que le jour de l’herborisation les fleurs n’étaient
pas épanouies. Nous ne pouvions que déceler ses touffes isolées,
posées ça et là comme de petits coussins ronds. Ses fleurettes
blanches donneront un miel sans saveur, mais celui-ci sera apprécié,
surtout, cette années, après la pénurie du romarin.
Sans se limiter aux mellifères, J. Poudou signalait ces petites merveilles
que sont ces fleurs en gouttes de sang, cette gesse à graine sphérique
( lathyrus sphaericus ), dont les minuscules taches rouges sont si violentes
qu’on s’étonne d’une telle vivacité de couleur.
Et sa réplique en bleu ardent : l’aphyllante (Aphyllantes monspellensis
) dont le pollen est de même couleur. Petites curiosités comme
la psoralée ( psoralea bitumosa ) aux fleurs mauves, l’herbe au
bitume, qui, froissée entre les doigts, justifie bien son nom. Et cette
chicorée aperçue dans les vignes, en compagnie de roquettes, appelée
ptérothèque. Son autre nom savant mérite d’être
retenu: Lagoseris sancta nemausensis: ce qui signifie : lagos : lièvre,
seris : salade, sancta : lieux saints, et nemausensis : nîmoise ... «
Une salade de lièvre qui vient de Palestine et qu’on rencontre
à Nïmes ! » Qui disait que les noms savants, et en particulier
ceux de Linné, dépoétisaient la botanique ?
Défilé des ophrys et orchis aux formes étranges et ce petit
grémil aux gouttes d’azur. Parmi les maléfiques, la rue
q ui, malgré son odeur de bouc et sa réputation de faiseuse d’anges,
a droit à la distinction de mellifère.
Et le redoul !
-Pourquoi un tel recul en nous présentant cette plante ?
-Elle est redoutable, répond J. Poudou en faisant la grimace. Elle empoisonne,
par ses baies ,les jeunes chevreaux et les enfants. Oui; il y eut même
des cas mortels. Savez-vous pourquoi on lui donne ce nom de « redoul »
? C’est que les chèvres « tournent en rond » quand
elles les ont croquées. Les pauvres ! elles sont « enredonnados
». Nous aussi, on se dit « enredonnat » quand on n’est
pas dans notre assiette.
A son actif, il faut reconnaître que cette plante au pollen gris servait
autrefois aux tanneries. Son nom botanique : corroyère ( Coriaria myrtifolia
) est d’ailleurs suggestif. M. Jean Poudou pourrait très bien jouir
en solitaire de cette riche connaissance de sa flore des Corbières. Heureusement
pour ses collègues de l’Aude et aussi pour l’ensemble des
apiculteurs, il en a rédigé un inventaire et un calendrier. C’est
là que l’herborisation devient exemplaire. Non pas tellement celle
que les visiteurs toulousains firent avec lui en ce jour de grâce de mai
1979 mais par ce travail à long terme qu’a établi cet apiculteur
autour de son rucher.
Actuellement nous ne possédons pas de flore mellifère française
si ce n’est celles qui traitent sur le plan général sans
se soucier des régions pourtant aux caractères si particuliers.
Nous n’avons pas de flores qui soient l’oeuvre de recherches sur
le terrain, de constatations multiples et de longue expérience. Figurons-nous
la valeur de l’ouvrage qui réunirait du nord au sud, de l’est
à l’ouest, des recensements aussi méticuleux, aussi vérifiés
que celui de notre apiculteur audois a fait dans son canton ? Mais terminons
la relation de cette merveilleuse journée. Descendus du rucher-en-garrigue,
les promeneurs, toujours sous la conduite de l’enfant du pays, visitèrent
l’abbaye de Lagrasse. Pendant que le groupe admirait ce vénérable
monument, j’ai vu, longeant les vieilles murailles, quelques uns s’intéresser
aux plantes qu’ils découvraient et qu’ils venaient d’apprendre
à aimer.
Après le repas, où le vin des Corbières avaient donné
aux visages un peu de son éclat, le car reprit sa route dans les chemins
en lacets, descendant dans des ravines, grimpant sur des collines où
se découvraient encore plus surprenants qu’à l’entrée
des Corbières, ces paysages colorés où les terres retournées
des vignes formaient un tissu bigarré, où les garrigues montaient
à l’assaut de ces arêtes calcaires dont les sommets dénudés
brillaient comme des glaciers. Parfois, dans les rues trop étroites d’un
village, le car s’y emprisonnait, gros bourdon pris au piège d’une
fleur possessive. Les voyageurs, derrière les vitres, se montraient du
doigt la flore qui les étonnait : « La bruyère blanche !
» En effet, des buissons de bruyère arborescente ( Erica arborea
) portaient haut encore leur large toison.
Notre pilote avait dirigé le convoi dans ces chemins abrupts et tortueux,
non seulement pour faire découvrir l’aspect pittoresque de son
pays, mais pour finir le voyage sur un des hauts lieux qu’est un «
Roumanissat ». Celui-ci était particulièrement privilégié.
Figurez-vous un immense plateau qui domine de son balcon les étangs et
la mer. Celle-ci, embrumée et devinée, n’en était
que plus désirée.
Sur cette vaste étendue, les romarins s’étendent à
perte de vue, étalant, en cette saison, leur azur qui fait de cet endroit
une réplique à la fois du ciel qui les surplombe et de la Méditerranée
qui les prolonge. L’homme qui traverse ce roumanissat ne peut être
que dans un continuel ravissement.
Les voyageurs, pendant le retour sur leur plaine toulousaine, les yeux encore
éblouis d’aussi riches splendeurs, se sentaient gagnés par
le désir de suivre, pour leur propre compte ,l’exemple de l’abeilhaire.
LE LAURENTI
Comme mon itinéraire
de travail me faisait traverser la région du Capcir j’avais pu
apprécier l’intérêt de ce climat montagnard au cœur
de l’été et la quiétude du site de Quérigut.Je
décidai donc d’en faire un séjour de vacances pour ma petite
famille. C’était l’occasion de faire découvrir à
mon épouse et à mes jeunes enfants la moyenne montagne située
à la fois sur l’Aude et les Pyrénées orientales
Ce fut surtout pour moi l’occasion de découvrir sa flore spécifique,
comme la grande gentiane qui érige ses hautes tiges de fleurs jaunes
au milieu des prairies. Dans le fouillis des graminées se piquent les
bouillons blancs, les lychnis nielle, les rhinantes crêtes de coq alors
que les œillets de chartreux et les coquelicots, lancent, plus aiguë,
leur éclatante note pourpre comme autant de coups de trompette. En faisant
l’ascension des versants qui bordent ce plateau on y rencontre la pneumonante
aux délicates teintes bleues et l’arnica montagnard . Avec mes
enfants j’herborisais dans une constante jubilation.
Un jour, la petite famille décida de pousser assez loin la promenade
-expédition en se rendant au lac de Laurenti :
Le lac du "Laurenti"
....Je sortais d’un sous-bois à deux mille mètres d’altitude,
tirant derrière moi, à la queue leu-leu, ma femme et mes trois
jeunes enfants. Après deux heures de marche, suivant les indications
de la boussole et la lecture de la carte d’Etat-Major je devais déboucher
sur le lac Laurenti. Et, à la place d’une nappe d’eau, je
trouvais un bassin, certes, avec des rives escarpées mais un bassin d’herbes.C’était,
à la fois, l’étonnement, la déception mais aussi
le mystère. Devant la récrimination de ma femme qui me reprochait
de lui avoir fait gravir tant de chemin inutile je ne savais que répondre,
si ce n’est ,à l’appui de ma carte, : « Et pourtant
c’est bien ici son emplacement. »
Fourbue de fatigue, ma petite troupe s’était assise dans les hautes
graminées au beau milieu de ce qui aurait dû être le lac.
Je décidai d’escalader la plus haute des rives. Dès que
j’eus atteint le sommet ce fut la révélation. C’est
là que le souvenir prend son éclairage d’éternité.
Si j’ai raconté ce qui précède c’est qu’il
en fait quand même partie comme l’ombre est nécessaire au
contraste de la lumière.
Avant que je connaisse cette extase j’avais droit à la risée
du psalmiste : « Ils ont des yeux et ne voient pas... » Et tout
à coup j’ai vu. J’ai senti le monde extérieur me pénétrer
et, sans doute moi aussi, j’ai dû, par l’intensité
de mon regard, marquer de ma présence ce grand silence vierge comme lorsque
enfant je m’allongeais sur la neige fraîchement tombée pour
y imprimer ma silhouette.
Je le voyais donc ce Laurenti promis et qui avait voulu, dans un premier temps,
ne se montrer qu’à moi seul,. du haut de ce qu’autrefois
était le bord du cratère d’un volcan. Il me surprit comme
un regard qui pose inopinément sur vous un regard énorme, un regard
qui n’était pas à ma taille. J’avais l’impression
de découvrir tout à la fois de l’interdit et du sacré.
Je voyais autre chose que ce que mes yeux habituellement discernaient. Ce n’était
pas la première fois que je découvrais un lac de montagne mais,
ici, il y avait en plus de son aspect générique de lac de montagne
un élément nouveau comme, dans certaines rencontres, une femme
n’est plus une femme ni un homme un homme à cause d’un certain
coup de foudre. Je l’avais senti me pénétrer physiquement,
brutalement au point de m’en couper le souffle.
Si quelque chasseur d’isards, coutumier de ce lieu, me questionnait sur
la topographie je serais incapable d’en faire une description exacte.
Ce que j’ai perçu ce n’est pas un inventaire mais un ensemble,
une totale apparence. Et si je n’ai retenu que quelques détails
ceux-ci sont autant et plus chargés de présence que la boucle
de cheveux ou le mouchoir parfumé emporté par l ’amoureux
et qui, à eux seuls, recomposent et même subliment les charmes
de la bien-aimée.
Je l’ai déjà dit, le lac m’est apparu comme un œil
avec un iris immense et une pupille ardente, le point milieu, le plus sombre
parce que le plus profond, le tirant du cratère, l’âme.
Mais ceci, l’ai-je « vu » vraiment ou n’est-ce pas l’effet
de la réverbération des deux soleils contradictoires qui tournent
toujours dans ma mémoire avec leurs feux
propres ?
D’un côté, à mes pieds, des buissons de rhododendrons
épanouis, une roseraie rutilante dans la lumière de juillet et,
sur le bord opposé,comme sa splendide antithèse, un champ de neige.Que
s’est-il passé, il y a près de cinquante ans, ne serait-ce
que dans ce mois de juillet ? J’ai beau beau scruter les replis de ma
mémoire rien ne subsiste que ce lac de montagne et son regard de contemplatif
dont une des paupières vibre toujours dans les couleurs estivales des
rosages et dont l’autre reste glacée dans la sereine quiétude
des neiges éternelles.
LE CHRONIQUEUR
Dès que me fut
accordée ma retraite, en 1979, qu’à cause de nouvelles
lois j’avais pu anticiper, je décidai de consacrer davantage
mes loisirs à l’apiculture, c’est ainsi que je m’investissais
dans un syndicat apicole dont je prenais la fonction de secrétaire.
Je m’étais abonné à la Revue Française d’Apiculture
dont je lisais les articles avec intérêt pour perfectionner mon
initiation. Un jour, j’écrivis à la rédaction que
j’étais ravi d’avoir trouvé, dans un des derniers
numéros, une relation sur la flore mellifère et que je souhaitais
que paraisse sur ce sujet une chronique assez régulière. Je
reçus vite une réponse du rédacteur en chef qui m’annonça
que mon vœu allait être exaucé puisqu’il me désignait
pour tenir cette chronique en collaboration avec un certain Marc Sellier,
un apiculteur de la Côte d’Or qui, comme moi, venait, lui aussi
de souhaiter la parution régulière d’articles sur la flore.
Surpris d’une telle décision, j’étais à la
fois gêné en raison de mon incompétence à un tel
emploi et , en même temps, stimulé à me rendre digne d’une
promotion aussi inattendue. Aussi, rassuré par l’aide d’une
collaboration proposée, je donnai mon accord. Hélas, j'appris,
par la suite, que ce Marc Sellier se sentait les mêmes incapacités
que les miennes et que, lui aussi, avait accepté, comptant sur ma collaboration
qui lui avait été proposée.
Nos premières chroniques furent assez courtes et elles consistaient
surtout à demander la participation des lecteurs de la revue :
La revue Française d'Apiculture
« .........Le projet de cette chronique et de feuilleter, ensemble,
l’album des principales
plantes mellifères. Parmi les centaines de milliers de fleurs plus ou
moins visitées par les abeilles, nous nous bornerons à un choix
très restreint. Alphandéry ( Je ne possédais alors que
cette flore et la très classique Bonnier portative) en dénombre
près de 400 mais nous limiterons cette énumération à
celle que Bonnier considère comme plus particulièrement visitées
par les abeilles, c’est à dire 134 plantes. Même dans ce
choix, nous ferons un tri.
Il n’est pas question de présenter un herbier où nous disséquerions
des organes pour ensuite les étiqueter de noms savants. Bien au contraire,
nous voudrions surprendre la plante bien vivante dans son milieu naturel, cohabitant
avec les gens et les animaux de nos campagnes, rare ou foisonnante, accompagnée
de sa bonne ou mauvaise réputation, avec ses noms vulgaires et tous les
surnoms récoltés au cours des âges, avec ses utilités
médicales et culinaires, avec, enfin , les services plus ou moins fondés
qu’on leur prête. Bref, c’est un être vivant que nous
voudrions saisir .
Pourquoi « nous » ? Eh oui « nous » car nous allons
faire cette chronique ensemble, le dialogue étant le plus riche des enseignements.
Chacun apportera ,pour l’album que nous allons confectionner, la physionomie
que l’apiculteur flamand, breton, alsacien, languedocien (pour ne citer
que quelques coins de France ) se fait de la plante en question . Le correspondant
nous interpellera dans son dialecte ou dans son patois (avec une traduction
pour les non initiés) Il nous apportera les légendes, les proverbes,
bref toute « la petite histoire » faite autour d’elle. C’est
ainsi que photographiée sous tant d’aspects différents,
nous parviendrons à rendre chaque sujet encore plus vivant et ainsi plus
aimé..... »
Aucun
apiculteur ne répondit à notre appel et nous dûmes, nous-mêmes,
chercher nos informations. Pendant la brève période où
Marc Sellier collabora, j’obtenais de ce disciple de Rudolphe Steiner
des considérations parfois quelque peu ésotériques qui
déplurent au rédacteur en chef de la revue et je fus condamné
à rédiger seul cette chronique, ce qui me contraignit à
questionner moi-même les habitants de la campagne et à me trouver
des informateurs qualifiés.
Celui que je mis particulièrement à contribution fut mon ami
Jean Poudou et mon ouvrage le plus consulté, pour nourrir ces chroniques,
fut « Plantes sauvages » de Fernand Lequenne.
Je craignis cependant que mes considérations personnelles soient trop
en contradiction avec l’orthodoxie botanique et je désirais être
rassuré par le contrôle d’un homme de sciences. Le hasard
me mit en contact avec Georges Bosc, docteur en pharmacie et, surtout, membre
éminent de la Société botanique de France. Sa passion
pour les plantes lui avait fait abandonner sa boutique de pharmacien et sa
chaire à l’université de Toulouse, pour consacrer tout
son temps à herboriser aux quatre coins de France et même à
l’étranger. Il me prit en amitié et jugea ma promotion
pour la flore auprès des apiculteurs si digne d’intérêt
qu’il me proposa de contrôler chacune des chroniques destinées
à la revue apicole. Je pouvais alors lâcher la bride à
ma fantaisie et à mon imagination et me laisser emporter par les comparaisons
les plus audacieuses, proposer les hypothèses les plus risquées,
je savais qu’avec un tel contrôle je ne risquais aucune grave
dérive botanique.
UN NOUVEAU MAITRE
C’est aussi à peu près
à la même époque que j’eus la révélation
de Jean-Marie Pelt qui, comme Henry de Julliot, pendant ma prime adolescence,
a exercé sur moi un véritable bouleversement. Ce grand scientifique,
bardé des plus prestigieux diplômes, riche des connaissances les
plus variées, est aussi un poète plein de fantaisie et un mystique
qu’emportent parfois des ailes séraphiques. Avec lui, la botanique
perd ses airs guindés et parle le langage de la rue, elle est gaie, elle
est presque frivole, elle rit. On prend plaisir à lire tout ce qu’il
dit d’elle, parce que c’est toujours à notre mesure de lecteur
profane. Il abandonne les vieux tabous des scientistes enfermés dans
leur tour d’ivoire de scientifiques intégristes et n’a pas
peur de se fourvoyer soit avec la finalité soit avec la métaphysique.
Il ouvre une nouvelle écologie qui dépasse les limites d’un
monde qu’on voulait réduire à sa simple matérialité.
Un oracle dans l'Ecologie
Jean-Marie Pelt ne craint pas qu’on l’accuse d’anthropomorphisme,
tout au contraire il se plaît à comparer les différents
règnes et à laisser entendre, à l’instar d’un
Teillard de Chardin, que la Création n’a pas tellement de frontières
entre l’esprit et la matière.
Au fur et à mesure de la parution de ses nombreux ouvrages, je lisais
: « Amours et civilisations végétales », « L’Aventure
des plantes », « Fleurs fêtes et saisons », «
Le Tour du monde d’un écologiste », « Au fond de mon
jardin », « Le jardin de l’âme », « De l’univers
à l’Etre »,etc.. je me laissais emporter dans ce tourbillon
d’air frais qui chassait mes préventions, qui me procurait de plus
en plus d’admiration pour cette création dont le Dieu de la Genèse
trouvait, à chacun des soirs des sept journées, « que tout
était bel et bon » malgré les imperfections inhérentes
à toute créature.
En infatigable producteur, Jean- Marie Pelt ne se contente pas d’écrire,
il parle à la radio ( j’ai écouté plus d’une
centaine de ses émissions ), il déploie sur les écrans
de télévision sa prodigieuse « Aventure des plantes »
et, surtout , il parcourt tous les continents pour être en contact à
la fois avec ses pairs et avec les plus primitifs guérisseurs.
Je ne pouvais pas ne pas être influencé par un tel novateur et
rester indifférent à un tel lyrisme, aussi je craignais qu’on
ne m’accuse d’un trop visible démarquage et que Pelt lui-même
ne m’en fasse le reproche. Lorsque pour l’édition de «
Secrets de plantes » je sollicitais son avis il m’envoya ces quelques
lignes que l’éditeur garda en dédicace : « Je
suis heureux de remercier Jean Hannoteaux pour les merveilleuses histoires de
plantes qu’il nous raconte avec un tel talent et un tel bonheur. Toujours
parfaitement documentées mais aussi auréolées de l’âme
de la poésie, ces histoires nous emmènent dans les secrets et
les mystères de ce monde végétal si proche de nous. »
Un tel compliment de la part de celui que j’admire tant me combla d’aise.
LA LEGENDE DOREE DE LA FLORE
Mais avant de remercier
Jean-Marie Pelt pour ses encouragements il faut que je remercie tout d’abord
le docteur Bonimond, président de l’Union Nationale de l’Apiculture
Française qui, le premier m’édita, en me faisant collaborer
à son premier collectif intitulé : « La Fleur et l’Abeille
». Ma collaboration avait pris comme titre : « La Légende
dorée de la Flore » alors que l’ensemble du livre était
une suite d’hommages à la fois à la fleur et à l’abeille
dont l’une et l’autre sont une des meilleures sauvegardes de la
planète.
Un livre collectif
...Dieu dit : «
Que la terre produise de l’herbe et des plantes portant leur semence,
des arbres
fruitiers portant du fruit chacun selon son espèce et renfermant leur
semence en eux-mêmes. » Et il en fut ainsi. La terre produisit de
l’herbe et des plantes qui portaient leurs semences et des arbres fruitiers
qui renfermaient leur semence en eux-mêmes, chacun selon son espèce.
Et Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir, il y eut un matin, et ce fut le troisième jour....
»( Gen.C..1.v.11, 12 )
On comprend qu’au soir d’une journée aussi réussie,
le Créateur se soit félicité d’un tel ouvrage. Après
avoir ordonnancé, dans le macrocosme, l’harmonie des ballets des
astres, c’était encore plus prodigieux de mettre au point, dans
l'infiniment petit, le mécanisme de chaque « plante portant semence
». Ces deux sexes, souvent côte à côte, à qui
il faut, autant que possible, interdire tout contact, ces barrières complexes,
ces ceintures de chasteté miniatures qui se verrouillent à temps
voulu ! Car la loi de la diversité du couple a été promulguée
aussi bien pour le règne végétal que pour celui des animaux
et des hommes. La création ne doit pas se replier sur elle-même
mais se projeter au dehors, dans des combinaisons de plus en plus enrichissantes.
Aussi fallut-il un riche effort d’imagination pour envisager des rencontres
entre ces plantes immobiles. Naturellement il y a le vent, grand brasseur de
pollen fécondateur, comme le courant des rivières ou les vagues
de l’océan pour les laitances des poissons mâles, mais ces
grands mouvements un peu lourdauds ne satisfont pas toutes les délicatesses.
C’est pourquoi le Créateur, à ces organismes tout en minuties,
conçut, pour leur fécondation, le secours de l’insecte.
Ainsi commencent les premiers chapitres de cette légende dorée
de la flore, celle de la séduction des plantes pour les éventuels
intervenants qui pourraient transporter des messages d’amour vers des
belles, étrangères à leur règne. . Et ces soupirantes,
prisonnières de leur enracinement, rivalisent dans le choix des formes,
des odeurs et des couleurs pour attirer sur elles ces entremetteurs industrieux.
Qui mieux que l’abeille remplit ce rôle de pourvoyeuses d’amour
et de promesses de vie ?
Revenons à la semaine de la Création. Nous sommes au sixième
jour, après l’avènement de l’homme et de la femme
alors que Dieu leur dit : « Je vous donne toutes ces plantes qui portent
leur semence par toute la terre et tous les arbres qui ont des fruits portant
semence. Ce sera votre nourriture. » ( Gen. C.1 v. 29
Dès le début, comme on le voit, les deux destins de l’homme
et de la plante sont aussitôt liés et l’Histoire de l’un
restera confondue à celle de l’autre, leur légende aussi.La
flore-nourriture assure, presque à elle seule, la survie de nos ancêtres
durant ces premiers temps que les historiens appellent : « la période
de la cueillette ».
Nos citadins actuels ne rappellent-ils pas des gestes anciens quand, de leur
week-end campagnard, ils rentrent les mains chargés de champignons, d’asperges
sauvages ou des poireaux des vignes ? Ne sont-ils pas le symbole des retours
, dans leurs cavernes, des premiers cueilleurs des plantes nourricières
?
Si nous accordons aujourd’hui une proportion plus importante à
l’alimentation carnée, du moins dans nos pays riches, les végétaux
entrent toujours largement dans la composition des menus. Avant le règne
hypothétique d’une nourriture-pilule nous nous plairons longtemps
encore à voir onduler les antiques champs de blé, toujours symbole
de « notre pain quotidien ».Les apiculteurs sont particulièrement
satisfaits de voir déferler, depuis quelques années, ces marées
jaunes de colza et de tournesol, fournisseurs d’huiles de table issues
du sol national et aussi de nouvelles et abondantes récoltes de miel.
Puisque le mot « miel » est prononcé il faut profiter de
cet enchaînement pour considérer la flore mellifère qui
est une flore-nourriture au deuxième degré, le produit de l’abeille
étant une élaboration du nectar des fleurs.
Depuis l’origine de l’homme, le miel a été considéré
comme un aliment riche et convoité, à tel point que, pour les
premiers Hébreux de la Bible, il devint le symbole de leur subsistance
et de leur prospérité, « le pays où coule le miel
».
Plus tard, au cours des âges et presque jusqu’à nos jours,
c’est à dire avant l’avènement de la betterave sucrière
et de la canne à sucre, le miel a été le seul produit qui
sucrait notre nourriture.
Si actuellement, il n’est plus considéré comme un aliment
de base -ce qui est regrettable - il entre toujours dans une certaine proportion
dans notre alimentation. Peut-être que, grâce à une éducation
diététique, nos petits-enfants consommeront davantage de miel
et retrouveront ainsi les bienfaits d’une nourriture directement assimilable,
pourvue d’éléments minéraux nécessaires à
l’organisme et riche des vertus propres à chaque plante butinée.
La flore mellifère est si originale qu’il est difficile de la définir
et de la cataloguer. Elle est apparentée non pas seulement à des
genres et à des espèces mais à des régions, même
à des lieux, variant comme les différents patois à l’intérieur
d’un même dialecte. Telle fleur très attractive aux abeilles
en cette région , ne l’est plus dans la contrée voisine,
la qualité des « mellifères » diffère selon
les sols, les altitudes , les climats, les températures.
On pourrait quand même écrire une Histoire de la France mellifère
ou sa légende. Ne serait-ce que celle des grandes disparues comme le
sarrasin pour qui l’amélioration des sols bretons a rendu ceux-ci
inadaptés, de grandes menacées comme la bruyère landaise
que la sylviculture moderne arrache ou étouffe, comme le romarin, pourtant
fièrement enraciné dans ses garrigues des Corbières mais
qui recule, pas à pas, devant l’envahissement des résineux
plantés par l’administration des Forêts.
Les arbres mellifères sont des monuments du passé et de l’avenir,
malgré l’acharnement des destructeurs semblent garder une certaine
assurance :L’acacia, au miel si délicat, le cerisier , qui chante
le printemps, le marronnier ornemental, le sapin au miel pâteux et l’odorant
et soporifique tilleul.
Si la flore mellifère occupe un rang de choix dans cette société
des plantes nourricières, les condimentaires, elles ,y font figure d’aristocrates.
Promues par l’estime que leur vouaient les gourmets de l’Antiquité
elles demeurent aussi appréciées par les actuels gastronomes Il
suffit d’annoncer à des convives qu’un plat a été
relevé de « fines herbes » ou qu’il est assorti des
« plantes de la Saint Jean » pour voir aussitôt ses dessiner
des sourires de convoitise.
L’ail, avec son fort accent méridional, chante aussi bien dans
les soupes et les rôtis que dans les salades. Le persil, cette ombellifère,
si capricieuse paraît-il, entre les doigts de ceux qui le sèment,
est pourtant aussi indispensable que le sel et le poivre. L’estragon et
le basilic , plus rares et plus sophistiqués, évoquent , par leurs
noms légendaires, d’étranges mythologies. L’hysope
et la sarriette embaument les soupes de haricots et les subliment.Dans
un raffinement encore plus poussé, effleurons dans un souffle, les «
condimentaires aphrodisiaques » : la capucine, malgré son air de
Sainte-Nitouche, cache son autre identité de « fleur d’amour
».Les moines ne se méfiaient peut-être pas de cette nonnette
mais interdisaient la culture, dans leur jardin, de la roquette (eruca : la
plante qui brûle ). Certains, au contraire, recherchent volontiers ces
excitants et saupoudrent généreusement leurs salades de safran
et de pimprenelle.
D’autres , même, proposent un cocktail explosif avec un demi-bulbe
de fenouil,d eux côtes de céleri et une pincée de graines
d’anis. Qui racontera la suite de telles audaces ? Quelles histoires émoustillantes
ces plantes chuchoteront-elles aux amants au creux des alcôves ?
En tout cas le grand Brillat-Savarin, qui traite avec beaucoup de sérieux
des condimentaires, écrit à propos de l’une d’elles
: « Devant la persuasion assez générale que la truffe dispose
aux plaisirs génésiques...cette découverte m’a conduit
à désirer de savoir si l’effet est réel...Une pareille
recherche est sans doute scabreuse et pourrait à prêter à
rire aux malins; mais honni soit qui mal y pense ».
Autre aspect des services de la plante pour l’homme : la flore vestimentaire.
Heureuses sont les maîtresses de maison auxquelles les mères ou
plutôt les grands- mères ont légué des trousseaux
de lin : jupon, draps, torchons, toiles au grain grossier mais si agréable
à palper, tissu encore proche du végétal de nos campagnes.
Puis vinrent les cotons, issus d’une plante exotique qui chante dans nos
mémoires avec les mélopées negro-spiritual, évoquant
l’épopée des Sudistes d’ « Autant en emporte
le vent » .Maintenant , hélas, les fibres synthétiques essayent
de supplanter cet intime mariage que la peau de l’homme avait contractée
avec les plantes. (La mienne éprouve une telle allergie à ces
ersatz qu’elle manifeste sa colère en larges plaques de rougeur).
Des essais furent tentés, pendant le blocus continental, pour pallier
au manque de coton en tirant parti des aigrettes plumeuses de notre épilobe
velu et de notre eupatoire chanvrine. Malheureusement les industrieux industriels
d’alors en furent pour leurs frais.
D’autres fibres végétales, comme le chanvre, ont servi à
nous vêtir. Il n’y a pas si longtemps on tirait du genêt-
à- balai une filasse robuste utilisée surtout à la confection
des sandales méditerranéennes. Et lorsque la mode était
aux chapeaux, qui ne s’est pas coiffé d’une « paille
»,canotier ou panama ?
On peut inclure dans la flore vestimentaire les plantes tinctoriales telle que
le genêt- des- teinturiers ou herbe- à- jaunir, la garance dont
la couleur rouge s’est confondue avec les pantalons de nos anciens fantassins
de ligne. La plus célèbre est le pastel qui, au XVème siècle,
fit la fortune des grands marchands pasteliers toulousains. Actuellement encore
les somptueuses demeures que sont les « vieux hôtels » de
cet ancien « pays de cocagne » portent témoignage des fabuleuses
richesses que cette modeste plante a pu procurer par sa teinture.
Si, dès l’origine, les hommes ont eu recours aux plantes pour se
nourrir, ils reconnurent vite leur utilité pour soigner leurs maux. Nous
pouvons en déceler les traces dans l’étymologie des noms
botaniques aux origines latines et grecques, arabes qui, elles-mêmes,
reprenaient d’anciennes traditions.
Borrago (la bourrache) se traduit par : le père de la sueur. Erica (
la bruyère ) par : Je brise les calculs et Malva ( la mauve) par : j’amollis
( sous -entendu les inflammations).
Dans le nom lui-même apparaît la maladie que la plante avait la
réputation de guérir: Scabiosa ( la scabieuse) : la gale et Tussilago
(pas d’âne) annonce : Je chasse la toux
D’autres, à vertus multiples ont une destination générale.
Ajuga ( la bugle) peut se traduire par : je chasse la maladie et Althaea ( la
guimauve) dit clairement : je guéris. Potentilla montre dans la racine
de son nom sa puissance à guérir Valeriana annonce sa valeur médicinale,
Solanum (la morelle) soulage, Gratiola est pour le malade une grâce de
Dieu et Salvia (la sauge) , tout simplement, elle sauve.
Euphorbia et Asclepias sont des noms de médecins célèbres
de l’Antiquité et leur mémoire se perpétue dans les
plantes ainsi nommées et qu’ils ont prescrites comme remèdes.
Puisque la phytothérapie (pas le mot mais la chose) a été
pendant longtemps la médecine du peuple, c’est plutôt dans
les appellations populaires que se révèlent les usages les plus
courants des médicinales.
Si l’Achillée est un saigne-nez, l’Euphrasie une casse-lunettes
et l’Herniaire une casse-pierre la plupart sont d’abord des herbes
avec une majuscule . Voici une partie de cette litanie :
l’Herbe-aux-vers ( absinthe et tanaisie), l’Herbe-aux-chûtes
( arnica), l’Herbe-aux-teigneux (bardane) , l’Herbe-aux-verrues
( chélidoine ), l’Herbe--à-la-fièvre (douce-amère,
germandrée), l’Herbe-à-la-coupure (achillée, consoude,
joubarbe, valériane ), l’Herbe-aux-poumons (pulmonaire) et pour
clore les échantillons de cette longue énumération, l’
Herbe la plus vénérée des Anciens, l’Herbe-qui-guérit-tout,
l’Herbe-à-tous-les-maux, c’est à dire la Verveine
officinale
Si toutes ces plantes ont cette dénomination particulière, c’est
qu’elles l’ont acquise par une compilation de faits vérifiés
ou de récits légendaires qui, de nos jours, les auréolent
encore de vertus.
La plante a le pouvoir de guérir mais elle a également celui d’empoisonner
et c’est souvent une question de dosage qui la transforme de guérisseuse
en assassine.
Il faut avouer que certaines, même si on tire d’elles des substances
bénéfiques, ont une sale mine. Telles ces « Daturas »
ou ces « jusquiames » qu’on ne rencontre d’ailleurs,
comme les inquiétants bohémiens, que près des dépôts
de décombres ou sur les terrains vagues.
L’aspect de la Bryone dioïque est si étrange souvent dans
ses formes d’avorton, soit avec un sexe mâle, soit avec des rondeurs
de mamelons féminins, qu’on ne peut s’empêcher de se
rappeler l’utilisation de son étonnante racine dans les pratiques
de sorcellerie.
D’autres, comme l’Aconit Napel, ont beau déployé les
charmes les plus séducteurs par leur formes et leurs couleurs, il flotte
toujours autour d’elles un certain malaise.
Il semblerait que les femmes se soient mieux accommodées des empoisonneuses
et souvent pour cause. La rue et l’armoise ( l’Herbe de Diane, la
déesse toujours vierge) ont fréquemment servi de « faiseuses
d’anges ».La digitale a, bien des fois, éliminé des
maris gênants et la belladone, en plus des son efficace toxicité,
était d’une autre perversité quand elle dilatait artificiellement
les pupilles des belles italiennes (les bella donna) pour séduire les
irréductibles.Une
telle puissance bénéfique ou maligne ne pouvait pas ne pas avoir
de résonance sur le plan magique et religieux. Ainsi c’est normal
que certaines plantes soient devenues des accessoires d’envoûteurs
ou par les mains des prêtres elles se soient sacralisées. Il vaut
mieux considérer ici celles qui ont eu l’avantage de connaître
plutôt respect et vénération que terreur et répulsion.
Dans l’Antiquité on ne sait pas exactement pour quelles raisons
la « Verveine officinale », apparemment insignifiante, est devenue
la plante sacrée par excellence. Peut-être que ses vertus, peu
appréciées de nos jours, connaissaient une plus grande estime
ou que, grâce à son breuvage savamment composé, elle permettait
de communiquer avec les dieux. Elle s’est appelée « l’Herbe
de Vénus » chez les Romains et les Druides, de leur côté,
l’utilisaient dans leurs cérémonies. Au Moyen-Age, elle
entrait dans les philtres d’amour
C’est certainement par ses qualités médicinales que «
l’Angélique sylvestre », transformée dans les jardins
en « Archangélique », est montée au rang des séraphins.
Chez elle il n’y a que le nom qui se spiritualise tandis que d’autres
plantes ont pris ou prennent une part active dans les rites religieux.
Les Juifs de l’Ancien Testament demandaient à être purifiés
par l’Hysope (Ps 51/91). L’Eglise catholique a adopté soit
le buis (dans le nord de la France) soit le Laurier ou l’Olivier (dans
les régions méridionales) comme plantes de bénédiction.
Ce sont elles qu’on apporte à la cérémonie des rameaux
et qu’on ramène chez soi, bénites. Elles orneront les crucifix
de la maison, veilleront parfois sur le seuil et serviront d’aspersoir
pour le corps de défunts exposés sur leur lit avant la sépulture.
Le prêtres brûlent les « rameaux bénits » de
l’année précédente pour en tirer la cendre dont ils
marquent le front des fidèles, le premier mercredi de carême.
Que dire de l’insigne privilège réservé au blé
et à la vigne qui, par le pain et le vin, peuvent connaître, chaque
jour, dans les paroles consécratoires, la même Annonciation qu’a
entendue la Vierge Marie.Après
la disparition de leurs caractères magiques et même religieux pour
un monde en déchristianisation et même en désacralisation,
les plantes sont encore de nos jours des porteuses de symboles. en dehors du
langage ésotérique que certains leur prête , la plupart
d’entre nous ont cherché à trouver, dans une prairie, le
trèfle-à-quatre-feuilles-porte-chance ou pour prévoir les
sentiments d’un être aimé ont effeuillé la marguerite.
Le muguet prend de plus en plus au sérieux, à l’occasion
du 1er mai, son rôle de porte-bonheur de l’année. Bien des
personnes s’estiment lésées si elles n’ont pas reçu
ou si elles n’ont pas pu se procurer le brin-tabou.
Les fleurs sont pour « l’honnête homme » d’aujourd’hui
les messages les plus courants et les plus appréciés de ses civilités,
de ses souhaits, de ses félicitations et de ses témoignages d’amour.
La flore
est tellement la compagne de l’homme qu’elle a lié ses épanouissements
et ses déclins aux diverses fortunes de notre civilisation. Ainsi la
bruyère landaise, il y a plus d’un siècle, figurait sur
les contrats de mariage comme apport de richesse alors qu’aujourd’hui
elle signifie plutôt pauvreté. Voyez le sort du colza qui se cantonnait
de préférence dans la région du Nord, l’occupation
allemande 40-45 en stimula la culture et la fit descendre dans le Centre. Il
reflua à la Libération et soudain, dans la foulée des monocultures,
déferla à nouveau vers le Centre et le sud-Ouest.
Etonnante également cette culture du pastel qui fit la richesse toulousaine
des XVème et XVIème siècles, qui est actuellement spontané
un peu partout sur le territoire sauf justement dans cette région où
elle prospéra jadis.
Si certaines plantes sont liées à un déclin, d’autres,
par contre, autrefois méprisées, prennent leur revanche dans un
succès inespéré. Le sarrasin, aliment du pauvre par son
pain noir d’autrefois, devient maintenant pâtisserie pour le touriste.
Le panier d’osier, traité autrefois de campagnard, se voit au bras
de l’élégante, fière de porter une vannerie, devenue
objet de luxe.
Alors que actuellement nous recherchons l’identité perdue de chacune
de nos régions, rien de tel que l’herborisation pour redessiner
les contours authentiques d’une contrée aux traits effacés.
Le découpage arbitraire des départements, au nom de l’esprit
égalitaire de la Révolution de 89, a défiguré et
brouillé les provinces de nos pères. Grâce à l’identification
de la flore, on peut retrouver les véritables visages des différents
biotopes et des micro-climats dont nos ancêtres avaient reconnu les contours
et qu’ils avaient baptisé d’un nom particulier.
Ainsi, pour prendre en exemple ce département de l’Aude si hétérogène,
une herborisation vous fera connaître si vous êtes en Corbières,
en Minervois, au Pays de Sault, en Razès, dans le Cabardès, au
Kerkob, etc..
En herborisant méthodiquement et fréquemment,, vous découvrirez
la disparité de certaines plantes ou l’avènement d’adventices.
Faut-il rappeler la surprenante découverte, assez récente, au
delà de la Montagne Noire, son point de chute initial, depuis l’Afrique
du Sud, d’un sénéçon particulier qui a stupéfait
d ‘abord les apiculteurs audois puis tout le monde agricole de la région
sud.?Ni
les bonnes qualités nutritives d’une plante, ni ses vertus de guérisseuse,
ni son caractère mythique ou sacré , ni le succès d’une
ancienne humiliée, ni la découverte d’une belle étrangère
ne surpassent dans la flore, la séduction provoquée par le phénomène
de sa féerie. Qui n’a subi le charme de la subite apparition d’un
amandier ou d’un cerisier en fleurs ? Celui des formes et des couleurs
d’un bouton de rose ou tout simplement celui du regard d’une soi-disant
mauvaise herbe de votre jardin, tel cet œil bleu-émail, à
la sortie de l’hiver, d’une minuscule véronique de Perse
?
° °°
« ...Ainsi se déroule la légende dorée de la flore.
Ses interminables contes de Mille et une fleurs pourraient égrener leurs
histoires à longueur de pages. Je ne fais ici que signaler très
brièvement des titres de chapitre d’une partie de notre flore française
.Cependant je ne voudrais pas oublier de citer une de ses dernières aventures
qui est d’autant plus passionnante qu’elle commence ses péripéties
et qu’elle met en jeu l’abeille et l’apiculteur.
Puisque, au début, je faisais allusion à un texte de la Bible,
je pourrais comparer notre dernière merveilleuse histoire à celle
de Noé.
En effet, en raison de nos maladresses, nous avons provoqué un désastre
dans la nature. par la mécanisation agricole, la suppression des prairies,
des haies et des bosquets pour les nécessités des remembrements,
par les grandes surfaces cultivées en monoculture, par toutes ces raisons,
les insectes pollinisateurs se trouvent délogés de leur habitat
habituel et souvent réduits à la famine. Si certains échappent
quand même à la destruction, les traitements répétés
d’insecticides auront raison des derniers résistants et ce sera
bientôt le grand silence qu’a connu le Déluge. Devant la
menace de ce grand vide, les agriculteurs tournent les yeux vers les apiculteurs,
les nouveaux Noé qui ont sauvé du désastre et des hécatombes,
dans leurs petites arches que sont les ruches, leurs précieuses abeilles
domestiques, dernières pollinisatrices.
Depuis l’origine, l’apiculture, avec ses abeilles, était
surtout productrice de miel. Peut-être que bientôt elle sera d’abord
source de pollinisation. Jusqu’ici on pouvait dire qu’on s’intéressait
à la flore à cause de l’apiculture .Désormais il
faut renverser la proposition : c’est à cause de la flore qu’on
s’intéresse à l’apiculture.
N’est-ce pas une belle conclusion ( provisoire ) de cette légende
dorée de voir , dans une même apothéose, en cette aurore
du vingt et unième siècle, cette conjonction de l’apiculteur,
de l’abeille et de la Flore pour sauver un avenir en péril ? L’apiculteur,
nouveau Noé, de son arche, envoie ses nouvelles colombes redonner aux
plantes le rythme perpétuel de leur cycle enchanté, celui de l’amour
et de la vie. »